Slasheur : cumuler plusieurs métiers est-il fait pour vous ?

22 dic 2017

6 min

Slasheur : cumuler plusieurs métiers est-il fait pour vous ?
autor
Marion Paquet

Journaliste, pigiste et auteure

« Un slasheur sachant slasher sait slasher sans son chien ». Et si cette locution était le fourchelangue du futur ? Avez-vous déjà entendu parler du « slashing » ? Un indice : cette expression fait référence au slash, cette barre inclinée qui permet de séparer plusieurs idées ou d’exprimer le « et/ou ». Il s’agit tout simplement d’un terme anglo-saxon qui désigne le fait d’exercer plusieurs métiers en même temps. Si être slasheur est très répandu aux États-Unis, ce nouveau mode de traval arrive progressivement en France puisqu’il concerne plus de 6 millions de français, selon l’étude 2022 menée pour le Salon de la Micro-Entreprise (SME) !

Né du refus de s’enfermer dans un seul métier, le slashing est avant tout une source d’épanouissement personnel et dit adieu au trop célèbre « métro-boulot-dodo ».

Lauriane Terol, slasheuse depuis 2 ans et membre de la communauté de slasheurs Kmeo, nous livre son témoignage sur ce mode de travail pas comme les autres. Alors si cette façon d’envisager votre vie professionnelle vous tente ou si vous pratiquez déjà l’art du slashing sans le savoir, cet article est fait pour vous !

Devenir slasheur, une quête d’épanouissement personnel ?

Si cumuler plusieurs métiers est parfois une façon de joindre les deux bouts, aujourd’hui cela résulte aussi d’un choix : celui de ne pas s’enfermer dans un poste, dans une routine. Et contrairement à ce que l’on peut penser, les slasheurs sont avant tout les plus diplômés. Lauriane Terol raconte son expérience : « Lorsque j’étais salariée, ce qui m’intéressait le plus c’étaient les missions annexes, davantage que le boulot principal dans lequel je m’ennuyais très vite. J’ai compris qu’il fallait que j’arrête de chercher LE poste parfait, que cela n’était pas pour moi et que j’avais besoin de multiplier les activités. C’est à ce moment-là que j’ai découvert l’existence du slashing via des personnes qui le pratiquaient. Ça correspondait parfaitement à ma manière de fonctionner »

Autre raison qui explique le nombre croissant de slasheurs : dans un contexte économique difficile, même avec un bac +4, 5, 6 et plus, il est devenu difficile de trouver un emploi à la hauteur de ses espérances. Les jeunes diplômés se retrouvent très souvent à accepter des postes qui ne correspondent pas à leur niveau de compétences et par la force des choses ils s’ennuient et ne s’épanouissent pas. Désillusionnés, les jeunes cadres vont alors chercher en parallèle de leur CDI d’autres activités plus excitantes et pour lesquelles ils seront leur propre patron grâce notamment au statut d’auto-entrepreneur. Être slasheur n’est donc pas, la plupart du temps, une question financière mais bien une recherche d’épanouissement personnel, qui aujourd’hui prime sur le salaire. Car en effet les slasheurs n’hésitent pas à accepter un « petit » salaire si c’est pour faire ce qu’ils aiment tout en étant libres : « Le slashing m’apporte un équilibre, en créant un environnement qui m’est favorable. Je m’épanouis davantage au niveau professionnel, et donc par extension dans ma vie personnelle. J’ai besoin que mon métier stimule mon cerveau et ma créativité », explique Lauriane.

Le slashing incarne ainsi une considération très moderne : le refus du choix. Plutôt que d’opposer des métiers, les slasheurs les superposent : directeur financier le jour/DJ la nuit, responsable commercial/pigiste, avocat/professeur de yoga…Pourquoi choisir un seul métier quand on peut en exercer plusieurs ?

Du zapping culturel au zapping professionnel

gés de 25 ans à 35 ans, les slasheurs sont essentiellement issus de la génération Y, cette génération hyper connectée qui a grandi avec Internet : 12 onglets ouverts en même temps, leur série favorite en téléchargement, le dernier album de leur chanteur préféré en boucle, un article Wikipédia en cours de lecture et trois discussions simultanées avec leurs amis, bref la génération Y ne supporte pas de s’ennuyer. Et Internet contribue largement à l’émergence de ces nouveaux profils : du zapping culturel est né le zapping professionnel car le pluriactif est un serial learner qui ne limite pas ses connaissances à ce qu’il a appris au cours de ses études. Grâce à Internet, il recherche constamment l’information qu’il a à portée de main et est plus que jamais ouvert sur le monde.

Les slasheurs ont ainsi appris à maîtriser les outils digitaux pour leur usage personnel et multiplient les centres d’intérêt : prendre de belles photos, filmer, retoucher des images, mais aussi étendre leur réseau et multiplier leurs références culturelles. Tous ces atouts sont transposables dans le monde professionnel. L’ultra digitalisation n’a pas que du mauvais ! Cette hyperactivité culturelle nourrit et prouve quotidiennement que d’autres façons de travailler existent.

Des prédispositions à slasher

Certes, le propre du slasheur c’est bien qu’il n’y a pas de profil-type mais des traits de caractère communs. En effet, être polyactif ne convient pas à tout le monde : « Les slasheurs que je connais sont souvent des profils multipotentiels », constate Lauriane Terol. Le slasheur est par nature une personne qui fait preuve d’une grande curiosité et qui refuse de s’enfermer dans un poste. En effet, les études prouvent que pour jongler entre plusieurs activités, il faut faire preuve d’une grande élasticité cérébrale. Les personnes qui s’épanouissent dans le slashing seraient donc très créatives, déborderaient d’idées et redouteraient la routine que l’entreprise peut lui imposer : « Dès qu’on a fait le tour d’un sujet, on a envie de passer à autre chose. Notre cerveau est constamment en mode découverte », avoue Lauriane.

Une telle flexibilité intellectuelle est très importante pour réussir dans l’art du slashing. En effet, une personnalité anxieuse et réservée aura plus de mal à s’épanouir dans un tel mode de vie où l’audace est indispensable et oblige à sortir de sa zone de confort.

Comment slasher ?

Le propre du slashing c’est bien que chacun se crée ses propres règles. En effet, l’art de slasher peut s’exercer de diverses manières. Souvent, cela vient à nous progressivement. On commence par cumuler un « job raison » et un « job passion », c’est-à-dire une activité en parallèle de son CDI en entreprise afin de trouver une source d’épanouissement qui nous correspond plus que le poste que l’on occupe. Par exemple, les blogueurs se lancent souvent durant leur temps libre.

On peut aussi faire le choix de se jeter dans le grand bain en étant freelance à 100% et en multipliant les activités et les missions. Une autre formule est également possible : cumuler un emploi à temps partiel et des missions en freelance. Pour Lauriane Terol, « ça s’est fait assez naturellement. Au lieu de continuer à toujours chercher le job de ma vie, dès que quelque chose m’intéressait je me formais, je testais et j’essayais d’obtenir des missions à côté. De fil en aiguille j’ai cumulé plusieurs activités »

La bonne nouvelle c’est que l’art de slasher peut s’exercer sous différentes formes : en CDI, en CDD, en intérim, sous forme de société, sous le régime de l’auto-entrepreneur…

Une autre façon de travailler

Savoir slasher implique d’avoir une nature ultra flexible. Cependant, il est indispensable d’être organisé dans son travail afin de mener à bien toutes ses missions, surtout que la façon de travailler la plus répandue dans le multitasking est le télétravail. Une certaine rigueur envers soi-même est donc nécessaire afin de ne pas procrastiner, avachi toute la journée dans son canapé. S’aménager un espace bureau agréable et ordonné peut aider à se motiver. L’espace de coworking est également une bonne option pour les personnes qui ont besoin de sortir de chez eux pour réussir à travailler. En effet, lorsqu’on se lance dans le slashing, la frontière entre sphères privée et professionnelle devient plus floue surtout lorsqu’on ne dispose pas de ses propres bureaux, l’espace de travail étant souvent la table basse du salon.

Seul à la barre, être slasheur signifie n’avoir personne pour être managé. Tel un chef d’entreprise, le slasheur est son propre patron car c’est à lui d’organiser son travail et son planning. Il doit donc apprendre à prioriser et avoir une bonne gestion du temps afin de ne pas se laisser submerger.

De plus, le statut de slasheur se rapproche de celui de l’autodidacte. En effet, être slasheur implique d’être en quête permanente de nouvelles connaissances et donc la pratique de l’auto-apprentissage pour enrichir toujours plus ses compétences : « Le slasheur ne creuse pas forcément dans le détail pour devenir spécialiste. Or, ce type de profil généraliste est rarement valorisé, que ce soit à l’école ou en entreprise, où il faut devenir un expert sur tel ou tel sujet », regrette Lauriane.

Enfin, un aspect bien différent du salariat est le fait de devoir gérer toute la partie administrative. Eh oui, lorsqu’on est slasheur, on doit envoyer soi-même ses factures, en suivre les règlements, déclarer son chiffre d’affaires, payer ses cotisations etc…

Les risques à éviter

Le slashing n’est pas toujours facile. Dès le départ, il est important de bien choisir ses missions et surtout de ne pas se surcharger. Le premier risque est en effet d’accepter trop de choses par peur de ne pas faire assez de chiffre d’affaires. Mais il ne faut pas négliger la qualité de son travail car c’est bien par ce levier que vos missions se renouvelleront régulièrement. Commencez doucement mais sûrement. Petit à petit, vous trouverez votre rythme et votre confiance va aller en grandissant ce qui vous permettra d’accepter plus de choses.

Le risque de procrastination est également important. Certes, l’avantage du slashing est d’être libre de travailler quand on le souhaite - la nuit si cela nous chante. Mais attention à ne pas vous sentir trop libre au point d’en oublier vos missions et de les accomplir dans l’urgence au dernier moment.

Enfin, lorsqu’on devient slasheur, on se retrouve parfois seul, contrairement au salariat où l’on fait partie d’une équipe, ou en tout cas d’une entreprise. L’isolement arrive donc assez vite : « Trouvez des gens qui fonctionnent comme vous. Cela fait un bien fou et ça ouvre des horizons. Si on a envie de faire du slashing, il faut s’entourer. Rester seul est un des plus gros pièges à éviter », prévient Lauriane Terol. De son côté, la slasheuse a rejoint une communauté, Kmeo, qui aide les personnes au profil multipotentiel ou slasheuses à se rencontrer, se comprendre et relever les défis qui leurs sont propres. Il est aussi possible detravailler dans des espaces de coworking où d’autres slasheurs seront présents, ou tout simplement retrouver dans un café un autre travailleur indépendant pour se motiver à deux.

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