Peut-on mentir au travail ?

21 ene 2019

4 min

Peut-on mentir au travail ?

Mentir est un sport national. Et c’est d’autant plus vrai dans le monde professionnel. Heureusement, la majorité des mensonges au travail sont dérisoires et sans conséquence. Mais une petite proportion d’entre eux peut avoir des répercussions importantes pour votre entreprise, vos collègues et votre carrière. Alors, est-ce mal de mentir au bureau ? Quels sont les risques ? Tour d’horizon des petits et gros mensonges les plus courants dans l’open-space.

Pourquoi ment-on ?

79% des managers indiquent avoir déjà menti à leurs collaborateurs et 59% le font pour éviter d’éventuels conflits. Claudine Biland, auteur de Psychologie du menteur, a identifié deux types de mensonges : le mensonge altruiste qui vise à ne pas faire de peine ou à faire plaisir à un collègue… et le mensonge égoïste qui permet d’obtenir quelque chose (une meilleure réputation, un avantage matériel, contourner un conflit). Et c’est souvent ce dernier qui peut dégénérer.

Mensonge égoïste : petite erreur ou faute grave ?

Sur l’échelle du mensonge, tous n’ont pas les mêmes conséquences pour l’entreprise et les mêmes risques pour votre carrière.

Mentir sur son CV pour obtenir un poste.

Une pratique courante pour 65% des candidats. Mais est-elle sans risque ? À savoir, la justice considère que c’est à l’employeur de vérifier la véracité de votre CV… mais un mensonge découvert sur le tard ne reste pas impuni pour autant. Dans le cas des professions réglementées (avocat, infirmier, expert-comptable, etc.), s’inventer un diplôme peut avoir des conséquences pénales lourdes : amende et peine d’emprisonnement. Pour les autres métiers et selon les conséquences de votre mensonge sur l’entreprise, vous vous exposez “simplement” à des sanctions pouvant aller de l’avertissement au licenciement. Mais au delà des implications légales, c’est votre quotidien qui pourrait en souffrir : mauvaise réputation, perte de confiance de vos collègues, etc.

Alors, c’est grave ou c’est pas grave ?

  • S’inventer une passion pour la littérature classique pour frimer un peu : taux de gravité 10%. Vous aurez surtout l’air ridicule le jour où votre boss vous proposera de faire un Trivial Pursuit.
  • Transformer un stage-photocopie de six mois en CDD d’un an : 50%. Vous risquez de vous mettre en difficulté avec des responsabilités que vous ne pourrez pas assumer.
  • Enfiler une blouse blanche et vous improviser vétérinaire : 100%. Non, reposez ce chat tout de suite.

Mentir pour cacher une faute.

Chaque histoire professionnelle est jalonnée de petites boulettes et de grosses erreurs. Mais si vous savez que votre erreur va avoir des répercussions et que vous ne pouvez pas la réparer par vous-même, vous devez alerter rapidement votre responsable. La loi ne considère pas une erreur commise de bonne foi comme une faute, mais elle peut sanctionner des négligences répétées ou volontaires. Une fois de plus, tout dépend de la nature de votre mensonge, mais plus celui-ci est important, plus le risque légal et professionnel le sera également.

Alors, c’est grave ou c’est pas grave ?

  • Affirmer que l’on a bien envoyé un e-mail… et le faire discrètement dans la minute : 10%. Tant que vous n’avez pas fait rater le contrat de l’année, vous pouvez dormir tranquille.
  • Accuser votre collègue d’une boulette que vous avez commise et le traiter d’incompétent en public : 80%. Les injures et la diffamation peuvent conduire à un licenciement pour faute. En plus, c’est pas très sympa.
  • Faire une note de frais pour votre restaurant entre amis en faisant croire que vous étiez avec un client : 100%. Utiliser les ressources de l’entreprise pour votre usage personnel, c’est interdit.

Inventer une excuse pour sécher le travail.

Un lendemain de soirée difficile ou une flémingite aigüe ? La tentation de mentir pour ne pas travailler est grande. À noter, une étude britannique nous donne un aperçu des excuses les plus acceptables pour les employeurs, avec en tête : la grippe (crédible pour 42% des patrons), puis le mal de dos et une blessure causée par un accident. Mais attention, vous êtes tenu de fournir un justificatif pour toute absence et un mensonge (découvert) peut avoir des conséquences importantes, selon son ampleur et votre situation : du simple avertissement au licenciement pour faute.

Alors, c’est grave ou c’est pas grave ?

  • Invoquer une panne de transport et rater une journée lambda : 20%. Ça dépend de la clémence de votre boss, mais a priori il pourra vous pardonner pour cette fois.
  • S’absenter pour une fuite d’eau imaginaire… et faire perdre un contrat à votre entreprise : 75%. La règle est simple : toute absence injustifiée peut entraîner des sanctions. S’il y a des conséquences importantes pour l’entreprise, elle peut le retenir contre vous.
  • Inventer le décès d’un cousin éloigné… pour la troisième fois de l’année : 75%. La répétition de petits mensonges peut conduire au licenciement. Et c’est pas sympa pour votre cousin.
  • Falsifier un arrêt de travail : 95%. De nombreux employeurs vérifient la véracité des arrêts maladies et une falsification peut conduire au licenciement pour faute grave.

Mentir sur sa vie privée.

Dans le droit français, la notion de vie privée (article 9 du Code Civil) est primordiale. Si une dissimulation ou une omission n’est pas directement liées à votre emploi et qu’elles ne sont pas préjudiciables à votre entreprise, vous êtes en droit de garder pour vous tout ce qui vous concerne.

Alors, c’est grave ou c’est pas grave ?

  • Omettre de préciser qu’on a fait un séjour en prison : 5%. En dehors de certaines professions spécifiques (sécurité, travail avec des mineurs), un employeur n’a pas le droit de demander votre casier judiciaire.
  • Dissimuler une maladie : 5%. Légalement, rien ne vous oblige à parler de votre handicap, votre diabète ou votre cancer tant que ça n’a pas d’impact direct sur votre travail.
  • Cacher sa grossesse en invoquant une grosse raclette : 0%. Il n’y a aucune obligation d’annoncer sa grossesse (même pas en entretien d’embauche) avant la demande de congé maternité. Mais entre nous, l’excuse de la raclette ne fonctionne que pendant un temps limité…

La loyauté est l’un des piliers du Code civil français, et même si la notion de mensonge n’existe pas réellement dans le Code du travail, la “bonne foi” est une valeur prise en compte par les employeurs comme par les juges. Dissimuler, omettre, mentir est pourtant une pratique courante et bien souvent sans conséquences légales, tant il est difficile pour l’employeur de trouver les preuves et prouver les conséquences pour l’entreprise.

Le véritable risque est ailleurs. Dans un monde où les informations circulent rapidement, c’est avant tout votre réputation qui risque d’en souffrir. Vous risquez d’être blacklisté par les principales entreprises de votre secteur d’activité. Alors au-delà des conséquences légales, retenez que trahir la confiance de vos supérieurs et de vos collègues sera toujours mal perçu.

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Photo by WTTJ