Blues hivernal : aurions-nous intérêt à adapter nos horaires de travail ?

30 nov 2021

5 min

Blues hivernal : aurions-nous intérêt à adapter nos horaires de travail ?
autor
Elise Assibat

Journaliste - Welcome to the Jungle

Vos journées d’hiver paraissent s’étirer sans fin et votre moral est au plus bas ? Il y a de grandes chances pour que vous fassiez partie des 57% de Français à se sentir impactés par le manque de lumière. Si ce sentiment de broyer du noir en fonction des saisons n’a rien d’exceptionnel, il est toutefois important de ne pas minimiser ses répercussions sur le bon fonctionnement de notre organisme. Une attention particulière devrait même être portée à notre activité professionnelle qui nécessite une énergie, dont nous pouvons cruellement manquer en ces temps ralentis. Mais comment mieux équilibrer notre horloge biologique à celle de la nature ? Et a-t-on intérêt à ralentir le rythme en hiver ? Décryptage d’un mal trop souvent sous-estimé avec Claire Leconte, chercheuse en chronobiologie et Laurence Albertini, naturopathe.

Qu’est ce que le « blues hivernal » ?

La dépression saisonnière, aussi connue sous le nom de « blues hivernal », est un trouble affectif saisonnier. Concrètement, il s’agit d’une tendance à ressentir une grande fatigue et un manque d’entrain à cause d’un déficit de luminosité pendant les mois d’hiver. Et si à première vue, ce coup de mou peut sembler anodin, il impacterait sensiblement notre organisme. « La lumière naturelle prépare la mélatonine de telle sorte que l’hormone du sommeil soit correctement synthétisée durant la nuit pour bien dormir, nous explique Claire Leconte, chercheuse en chronobiologie. Son absence peut donc être à l’origine de troubles du sommeil, mais aussi être un facteur d’accumulation de fatigue et avoir une incidence plus ou moins importante sur notre moral. »

Les dommages collatéraux de l’hiver sur notre organisme impactent fortement l’humeur mais aussi notre immunité : nous sommes généralement plus vulnérables face aux virus qui se promènent en saison froide. Une période difficile à traverser pour beaucoup d’entre nous et particulièrement pour celles et ceux qui travaillent.

« Le ralentissement hivernal n’a rien d’anormal, c’est bel et bien le rythme social qu’on nous impose qui semble aujourd’hui poser problème. »

Un important décalage entre l’horloge biologique et sociale

Ce sont d’ailleurs les travailleurs qui arrivent le matin alors que le soleil ne s’est pas encore levé et repartent à la nuit tombée qui ont le plus tendance à déprimer. Pourquoi ? Le décalage entre l’horloge sociale et l’horloge biologique s’intensifie dans cette configuration, parce que l’énergie réclamée par les obligations professionnelles à raison de 35h par semaine n’est plus au rendez-vous une fois l’hiver installé. D’où l’augmentation de l’absentéisme pendant cette période et de la réduction de notre efficacité en tant que salariés. Mais si le ralentissement hivernal n’a rien d’anormal, c’est bel et bien le rythme social qu’on nous impose qui semble aujourd’hui poser problème. En hiver, l’homme redevient plus animal que jamais : la température de son corps diminue et il a besoin de plus repos qu’en période estivale. Même s’il n’hiberne pas comme les marmottes, les loirs ou les hérissons, son rythme ralentit considérablement. Nous pouvons d’ailleurs tous observer la somnolence qui gagne peu à peu notre corps à mesure que le temps refroidit. C’est de cette façon que l’être humain emmagasine de l’énergie qui se fait plus rare en hiver, faute de lumière.

« La société ignore délibérément le changement des saisons »

le problème ? La société ignore délibérément le changement des saisons en niant tout ce que cela implique, comme si ces derniers n’étaient que le décor insignifiant de notre agitation permanente. « En hiver, la nature se met en veille, les animaux et les végétaux aussi et nous, nous sommes les seuls à désirer une forme et une santé identique du 1er janvier au 31 décembre », remarque Laurence Albertini, naturopathe. À défaut d’hiberner, nous pourrions nous aussi ajuster notre mode de fonctionnement et modifier notre rythme de travail. « On s’auto diagnostique déprimé alors qu’on aurait peut être besoin d’aménager le temps que l’on consacre à notre activité professionnelle, constate Laurence. C’est même assez impressionnant de voir le nombre de gens qui parlent de chute de moral, de phase de déprime en hiver alors qu’ils gagneraient bien plus à tout simplement ralentir ou aménager différemment leur rythme de vie… »

Prenons alors le temps d’imaginer à quoi la vie pourrait ressembler, si nous suivions le rythme du soleil, en s’activant lorsqu’il s’éveille pour y mettre fin à nos activités dès qu’il se couche. Cela reviendrait à écourter le temps de travail pendant les mois d’hiver mais le rythme n’en serait que plus équilibré : les heures non travaillées seraient rattrapées en été. Des journées plus longues lorsque les saisons le permettent, auraient plus de sens puisque la lumière n’en est que plus abondante et le corps se nourrit de cette richesse énergétique pour redoubler d’énergie. Un tel monde peut sembler absurde, le nôtre ayant toujours fonctionné comme si l’homme pouvait tout contrôler, parfois même au détriment de son propre environnement et de son rythme naturel, pourtant, quoi de plus logique que de vivre au gré des saisons ?

Que gagnerait-on à diminuer notre temps de travail en hiver ?

Moins travailler en hiver favoriserait le bien-être. Mais aussi permettrait de :

1. Profiter de la lumière du jour

Pas de doute ici, pour pallier le manque de lumière, il faudrait tout simplement chercher à le combler. En hiver, lorsque les jours raccourcissent, rares sont ceux qui parviennent à profiter de l’extérieur. Réduire le temps de travail permettrait donc de pouvoir s’exposer davantage à l’air et à la lumière et ainsi de faire le plein de vitamine D ! « *Une demi-heure de lumière naturelle suffit à ressentir des effets positifs sur le moral, favoriser une meilleure qualité de repos et ainsi insuffler un sentiment de confort* », précise Claire. À consommer sans modération.

2. Bien dormir

La somnolence hivernale veut tout simplement dire que vous avez besoin de plus de repos. Et qui dit moins de temps de travail dit plus le temps de sommeil. Or, bien dormir constitue une source de régénération sans limite pour l’organisme, aussi cela devrait être notre principale préoccupation en cette saison. Par ailleurs, la dose de lumière que permettrait la diminution du temps de travail augmenterait également la sécrétion de l’hormone du sommeil et assurerait ainsi « un sommeil de meilleure qualité pour lutter contre l’affaiblissement du système immunitaire », ajoute Laurence. Difficile de faire mieux.

3. Mieux se concentrer

« La capacité à gérer son stress est attaquée dès lors que le sommeil est délité », souligne Laurence. Parvenir à se reposer doublé d’une quantité suffisante de lumière naturelle par jour suffirait à améliorer la disponibilité cognitive de chacun. Réduire le temps de travail permettrait donc de soulager la concentration, de manière à la répartir plus intelligemment et non plus sur dix heures d’affilées…

4. Lâcher prise sans culpabiliser

Notre corps lutte contre l’hiver comme une injonction sociale. Être productif 365 jours par an est une valeur inculquée valorisée, et l’inverse est souvent perçu comme de la fainéantise. Mais notre corps est contraint de diminuer l’énergie qu’il dépense quelques semaines par an. Réduire son temps de travail faciliterait donc l’acceptation de son propre rythme, pour que sa tête soit en accord avec son corps et ainsi arrêter de s’épuiser deux fois plus. Cela éviterait de créer davantage de frustrations et éloignerait la déprime que l’on cherche à éviter à tout prix !

Cette ambivalence entre notre rythme naturel et artificiel cause chaque année de profonds mal être. Réduire la productivité l’hiver pour la renforcer quand il fait beau pourrait soulager ce décalage qui cause aujourd’hui bien des dommages. Alors pourquoi ne pas faire évoluer le travail vers un rythme de vie cohérent et, à terme, mille fois plus paisible ? Pour notre experte, la question méritait - au moins - d’être posée.

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