Comment annoncer sa grossesse au travail ?

29 ene 2019

7 min

Comment annoncer sa grossesse au travail ?
autor
Elsa Andron

Psychologue du travail et psychologue clinicienne

La grossesse est une période de bouleversement pour la femme et le couple qui la traversent. Souvent après le choc de la prise de conscience de ce que cela va apporter et changer dans votre vie, il vous faut passer par l’annonce à votre entourage. Cela peut être __un moment stressant, voire difficile, ou au contraire un plaisir d’annoncer cette belle nouvelle et de partager votre joie. Dans tous les cas, après l’annonce aux proches, il vous faudra l’annoncer à votre employeur pour pouvoir bénéficier de vos droits en tant que salariée enceinte. L’annonce de ce nouveau chapitre de votre vie est donc une étape importante pour vivre ce moment de transition le plus sereinement possible.

Discrimination et sentiments de culpabilité

Informer son employeur que l’on est enceinte est souvent un moment stressant pour la future maman car il n’est pas rare que l’on ressente de la culpabilité ou de la peur. En effet, les futures mamans se culpabilisent souvent de laisser leur équipe, d’imposer ce changement à leur employeur parfois à des moments compliqués de la vie de l’entreprise ou de ne plus être aussi disponibles car investies dans leur grossesse et leur futur rôle de parent.

Elles peuvent aussi avoir peur d’être traitées ou perçues différemment, d’être « placardisées », mais aussi que l’employeur ou les collègues puissent poser des questions indiscrètes sur leur vie privée. En effet, c’est un événement infiniment intime mais sur lequel il faut communiquer pour pouvoir bénéficier de ses droits.

On peut s’étonner de ces émotions car l’accession à la parentalité est pourtant une étape courante de la vie des hommes et des femmes et doit donc être soutenue par les entreprises qui sont le terreau de la vie sociale. Certaines entreprises sont toutefois peu enclines à faciliter cette période de vie pour leurs salariés et on constate encore trop souvent de la discrimination envers les femmes ayant à la fois un projet de vie familiale tout en souhaitant une vie professionnelle riche et épanouie. Avant de communiquer sur sa maternité, il est important de faire le tri dans ce que l’on peut ressentir et laisser ces émotions négatives à la porte. Afin de vivre au mieux cette période il est donc conseillé de penser et de préparer sa communication autour de cet événement.

Quand annoncer que l’on est enceinte ?

Il est important de noter qu’il n’y a aucune obligation légale à annoncer sa grossesse à son employeur. Cependant, dès que la salariée a annoncé celle-ci, elle est protégée grâce à différentes dispositions légales et peut alors bénéficier d’un congé maternité.

Il est généralement conseillé d’attendre la fin du premier trimestre de grossesse pour en faire l’annonce à son employeur soit trois à quatre mois de gestation. En effet, passé ce délai, les risques de fausses couches sont grandement diminués et il est alors plus facile de se projeter dans cette maternité et ainsi de l’annoncer plus sereinement à son entourage, notamment professionnel.

Ce délai recommandé n’est en revanche qu’une recommandation. Il n’est pas rare en effet que le premier trimestre de grossesse soit éprouvant pour les femmes avec de nombreux symptômes gênants tels que pleurs incontrôlés, grande fatigue, irritabilité ou nausées. Si ces symptômes deviennent envahissants et ont un retentissement sur la performance au travail il peut alors être important de communiquer sur son état avant ce délai. Il n’y a donc pas de règle fixée et il s’agit surtout de s’écouter.

Parfois ce délai ne peut être respecté pour d’autres raisons. Ce fut le cas pour Marie, 33 ans : « Moi c’est un peu particulier parce que l’annonce de mon licenciement était vraiment concomitante à l’annonce de ma grossesse. J’avais appris que j’étais enceinte la veille de cette réunion avec mes employeurs lors de laquelle ils m’ont annoncé qu’ils souhaitaient soudainement rompre mon contrat. Sur le coup je n’ai rien dit, j’étais sonnée. Mes patrons m’ont alors proposé une rupture conventionnelle. Ils disaient que c’était la meilleure solution pour moi (ils n’étaient alors pas encore au courant de ma grossesse) au vu de mon ancienneté et du contexte. Après ça, j’ai décidé de me renseigner sur mes droits et j’ai découvert que, en tant que salariée enceinte, j’étais protégée et à juste titre car retrouver un emploi en situation de grossesse c’était quand même compliqué. J’ai alors décidé de me battre pour faire valoir mes droits et garder mon emploi. »

Marie décide alors d’annoncer sa grossesse pour déclencher ses droits et suspendre toute intention de son employeur à rompre son contrat. Elle leur propose alors deux solutions :

  • suspendre toute démarche de rupture de contrat afin qu’elle puisse continuer à travailler
  • ou une rupture conventionnelle avec dédommagement financier pour les mois où elle ne pourra pas travailler du fait de sa grossesse.

Dans ce contexte, l’annonce de la grossesse de Marie a fait l’effet d’une bombe pour son employeur, elle raconte : « Ça a été le retour de flamme immédiat. Lors de cette annonce, mon employeur a été très violent. Plusieurs fois ils ont essayé de me faire changer d’avis. J’ai eu droit à des menaces couvertes, à des propos insistants essayant de me faire changer d’avis et d’opter pour une rupture conventionnelle. Ils m’ont accusé d’utiliser ma grossesse contre eux. Après presque deux mois, ils ont finalement accepté que je reste. »

Ainsi, on ne peut pas toujours faire de cette annonce un moment d’information paisible. Dans les contextes conflictuels, il ne faut alors pas hésiter à se faire assister concernant le formalisme à adopter et la conduite à tenir.

Comment et à qui annoncer sa grossesse ?

Pour annoncer cet heureux événement, le “comment” est important car il facilitera les choses pour la suite. Il est préférable d’organiser un point avec son employeur dans un moment où vous le savez disponible. Prendre ce temps d’échange est capital car il vous permettra en effet de rassurer votre employeur sur votre volonté d’aider dans cette période de transition (proposer de participer au recrutement de votre remplaçant, préparer votre équipe à votre départ, etc.) et votre motivation à faire en sorte que cela se passe au mieux. On évite donc l’annonce entre deux portes qui ne permet pas de prendre le temps de bien communiquer ou le courrier qui peut être perçu comme trop impersonnel et peut parfois prendre de cours.

Il est conseillé d’informer en premier lieu vos supérieurs pour organiser les choses. On peut toutefois bien entendu informer avant cela les collègues les plus proches auxquels vous pouvez, en confiance, vous confier. Il serait en revanche dommage et parfois mal perçu (attention aux sensibilités..!) que l’information remonte à vos supérieurs par un autre biais que par vous. Cela pourrait éventuellement susciter de la méfiance.

Une fois le rendez-vous pris, il vous faut donc l’annoncer. Concernant l’annonce en elle-même, inutile de tourner autour du pot, de vous justifier ou de vous excuser, le plus simple est encore le meilleur. Vous attendez un enfant et c’est une très belle nouvelle étape de votre vie, une formulation du type « j’attends un enfant » ou « je suis enceinte » suffit donc amplement.

À partir de ce moment, il vous faudra faire avec les réactions diverses et variées de votre entourage professionnel. Par conséquent, si la nouvelle n’est pas bien reçue, n’hésitez pas à prendre de la distance. Par cette communication autour de cette maternité, vous ne recherchez pas à être approuvée par votre patron ou vos collègues. Ainsi, leur opinion concernant votre vie privée ne doit pas gâcher votre plaisir. Faire une annonce dans les règles limite en général que l’on puisse vous reprocher de ne pas avoir fait les choses comme il faut. Cela permet donc à tout le monde de s’organiser au mieux.

Droit de la salariée enceinte :

Les dispositions légales concernant les droits de la salariée enceinte se trouvent dans le Code du travail. Certaines conventions collectives prennent des dispositions supplémentaires telles que le maintien total du salaire pendant le congé maternité, il est donc intéressant de prendre connaissance de celles qui vous concernent.

Les dispositions légales sont notamment :

  • La protection contre le licenciement ;
  • Les autorisations d’absence pour examen médical ;
  • La réduction du temps de travail quotidien.

La protection contre le licenciement prend effet dès l’annonce de la grossesse (avec envoi d’un certificat médical établissant l’état de grossesse ainsi que le terme de celle-ci) et cours après le congé maternité. Ainsi, dès lors que l’employeur a connaissance de la grossesse d’une salariée, il ne peut pas la licencier, sauf s’il justifie d’une faute grave de la salariée sans lien à sa grossesse ou d’une impossibilité à maintenir son contrat tel que le motif économique. Ainsi, en dehors de ces motifs, toute procédure de licenciement est annulée.

« J’ai besoin d’aide pour le dire… ! » :

Dans ce moment de bouleversement, il est parfois difficile de communiquer. C’est notamment le cas lorsque la grossesse n’a pas été prévue ou que l’environnement de travail est conflictuel ou difficile, comme dans le cas de Marie.

Voici quelques conseils :

  • Ne pas hésiter à se renseigner sur ses droits : si on redoute vraiment cette annonce, on peut se faire aider sur le formalisme à adopter pour informer son employeur par à un avocat ou un juriste spécialisé en droit social ou droit du travail. Des permanences gratuites sont souvent disponibles au sein des communes, il ne faut donc pas hésiter à se renseigner auprès de sa Mairie.
  • Ne pas hésiter à faire valoir ses droits et ce sans culpabilité : oui on pourra vous renvoyer l’idée que vous « profitez » du système mais ces dispositions légales sont là pour une bonne raison : vous protéger.
  • Mettre un collègue (ou plusieurs) de confiance dans la confidence : avoir de l’appui au sein de son entreprise est précieux pour vous aider à traverser cette période. De plus, en cas de conflit, il ne faut pas hésiter à se faire aider d’un collègue ou d’un représentant syndical lors des réunions avec vos employeurs. Ils peuvent d’être d’un soutien précieux lorsque la situation devient difficile.

Devenir parent est une nouvelle étape de la vie qui génère un bouleversement social, familial mais aussi parfois professionnel. Cette nouvelle étape provoque de nombreux sentiments parfois contradictoires partagés entre grand bonheur et grande angoisse. Annoncer l’arrivée de votre enfant vous permet de vous projeter dans votre rôle de parent et de partager avec votre entourage votre bonheur. Cette annonce au travail peut-être une très belle expérience de rapprochement et de tissage de lien plus intime avec votre environnement professionnel et l’occasion pour vous de partager autre chose si telle est votre envie. L’essentiel à ne pas perdre de vue c’est de profiter de ce moment pour vous et votre couple et de ne pas vous laisser polluer par un environnement qui vous gâcherait cette belle expérience de vie.

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