Ce que la pop, le rap et la culture internet peuvent vous apprendre des RH

22 jun 2020

4 min

Ce que la pop, le rap et la culture internet peuvent vous apprendre des RH
autor
Laetitia VitaudLab expert

Autora y conferenciante sobre el futuro del trabajo

Why you always lying?

Anton Tchekov estimait dans ses correspondances que « nulle raison ne pouvait justifier le mensonge ». Cette citation, habilement sortie de son contexte pour notre bon plaisir et pour justifier mes propos, avait probablement oublié de prendre en compte le monde hostile de l’emploi.

Sur l’ensemble des CV transmis par les candidats aux cabinets de recrutement, on considère qu’il y a en général plus de 30% de curriculums de petits menteurs qui présentent des diplômes de « façon abusive ou inexacte ». Les distorsions de réalité ne concernent pas seulement les diplômes, mais aussi les expériences passées et les compétences, ainsi que, me dit-on, la maitrise de l’albanais. Si une petite exagération n’est pas forcément équivalente à la fin du monde, il est toujours plus sympathique pour le recruteur d’avoir une idée un peu précise de la personne qu’il souhaite embaucher.

En 2015, Internet nous a offert une oeuvre musicale qui décrit parfaitement l’état de désarroi et de scepticisme dans lequel le DRH se trouve face à ce monde d’illusions : la fameuse chanson Why you always lying ? de Nicholas Fraser. En plus d’être une des mélodies les plus lancinantes de notre génération et la mère de toute une panoplie de memes, cette chanson nous aide à régler nos états d’angoisse relatifs à la manipulation des faits, qui peuvent nous emmener vers un questionnement digne des plus grands thrillers psychologiques.

Comment séparer la fiction de la réalité ? Comment débusquer un adepte du storytelling abusif ? Voici quatre conseils, inspirés par Nicholas Fraser, pour débusquer un petit gourgandin qui a décidé de ne pas vous dire la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité :

« Umm, I see you »

J’ai vu ton mensonge sur les réseaux - je l’ai signalé. Cette citation, adaptée d’une des chansons de rap les moins polies de 2017, et qui ne figurera donc pas sur cet article, souligne l’importance d’un des outils les plus utiles pour débusquer les cachotiers au 21ème siècle : les réseaux sociaux. En effet, ils ne sont pas que la réassurance douce-amère de l’outrecuidance qu’ont vos ex-s d’exister encore après vous. Ils sont aussi un moyen gratuit, efficace et rapide d’effectuer un background-check basique sur vos candidats. Ce n’est pas du stalking. C’est de la conscience professionnelle. Une vérification entière du profil digital des candidats n’est pas un outil réservé aux jobs de marketing digital : le contenu que chacun choisit de divulger sur les réseaux sociaux est souvent un indicateur important de la personnalité et des capacités de chacun.

Même si cela parait contre-intuitif, Linkedin est rarement le meilleur medium pour découvrir le pot-aux-roses qu’on a tenté de vous cacher. Plus utile si vous êtes mauvais avec les feuilles volantes, le profil d’un candidat devrait, selon toute logique, être une copie conforme du CV que vous avez entre les mains. Pour avoir une meilleure idée de celui à qui vous avez à faire, Twitter, Facebook et Instagram peuvent être de meilleurs outils : quelqu’un qui écrit « je déteste mon boss » #REDRUM quinze fois par jour sur son twitter feed n’est probablement peut être pas le recrutement de l’année, sauf si vous cherchez un majordome à tendance homicidaire pour fournir votre maison de l’horreur ou un employé peu consciencieux.

Gardez en tête cependant, que l’image virtuelle n’est pas toujours révélatrice de la vraie personnalité d’un candidat. Il est important de trouver un équilibre entre l’image projetée et la vraie personnalité du candidat. Rien ne remplace le contact humain.

« I wonder if he knows I know he’s lying right now »

Dans un monde idéal, on se ferait tous confiance et tout se passerait parfaitement. Il n’y aurait d’ailleurs pas de dragibus verts. Malheureusement, dans le monde réel, il faut accorder sa confiance avec parcimonie, et les dragibus verts finissent toujours par être surreprésentés dans la paquet.

Après une vérification du profil général du candidat, il est donc d’usage de vérifier les informations qu’il vous a communiqué. Dans ce cas, l’option « appel à un ami » est souvent la plus pertinente. Reste à vérifier qu’il s’agisse d’un potentiel allié pour vous, et non pas du vrai meilleur ami du candidat déguisé en référence.

Pour utiliser le système de références du candidat à bon escient, plusieurs conseils simples :

  • Prévenir le candidat et lui dire qu’on va appeler ses références : Comme dans toutes les séries policières à 4535 épisodes, c’est le moment où le suspect avoue par lui même pour avoir un deal plus intéressant. L’honnêteté entraine parfois l’honnêteté.
  • Vérifier les références des références : il suffit de conduire une recherche pour s’assurer qu’on parle bien à un contact pertinent et non pas à la grand-mère du candidat. Quelques clics sur Linkedin et une recherche de contact devrait faire l’affaire.
  • Le mieux est l’ennemi du bien: Un témoignage mesuré est toujours plus crédible qu’un encensement sans limite. Si la référence du candidat le dépeint comme un Albert Einstein au look de Georges Clooney et au jeu de LeBron, il faut se poser des questions.

« You sound exciting »

Vous avez, vérifié la réputation digitale de votre prospect. Vous avez appelé ses références, sa mère et son conseiller d’orientation de sixième. Vous lui plaisez. Il vous plait. Simplement, je vous demande de vous arrêter. Il reste des étapes.

Ne pas tester les compétences de votre future embauche peut se révéler être une grosse erreur. Même s’il jure et crache par terre, un test technique est toujours une bonne idée. Développer un test objectif qui vous permettra d’évaluer les compétences de chacun des candidats prend du temps, mais vous permettra d’être plus précis et de prendre votre décision finale en toute connaissance de cause.

Si vous recherchez avant tout un profil et non pas un bouquet de compétences, une mise en situation peut être la solution que vous recherchez.

« Every time you tell me something I figure that you lying »

Comme l’a montré la neuroscience ici (https://www.forbes.com/sites/carolkinseygoman/2015/05/30/neuroscience-shows-why-you-cant-spot-liars/#5e6a67772add), il est important de se souvenir qu’on ne peut pas vraiment identifier un menteur lors d’un entretien grâce à des techniques de sioux ou des astuces crypto-scientifiques. Beaucoup de tics de langage ou autres signes physiques que l’on apparente généralement aux menteurs pourrait tout simplement être des manifestations de nervosité chez le candidat. Au lieu de chercher à interpréter l’angle du grattage de nez du candidat, il peut être opportun d’écouter encore une fois les sages paroles de la chanson.

Le mot important ici est « tell », dire. Avec des mots. En direct. La meilleure manière de cerner un candidat reste en effet de le rencontrer, si possible, face à face. Sans le forcer à subir un interrogatoire digne de la STASI, il est légitime de lui poser de vraies questions remettant en cause ses accomplissements et ses expériences.

Si vous avez trouvé un petit mensonge mais que le profil vous plait toujours, il pourrait être intéressant de le confronter. Après tout, que le premier qui n’a jamais utilisé un petit white lie me jette la première pierre. (Aie.)

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