Boost | Quitter Paris : les clés pour réussir sa transition professionnelle

Nov 02, 2020

9 mins

Boost | Quitter Paris : les clés pour réussir sa transition professionnelle
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Sherina Berreby

Journaliste

Adieu Paris, les balades à Vélib’, le charme des klaxons parisiens, les cafés trop chers avalés sur le zinc avant le boulot, et les notes salées des apéros jusqu’à pas d’heure… Enfin, hors période de confinement bien sûr ! Renoncer à tout cela vous mettrait presque la larme à l’œil, si l’idée de vous faire la malle ne titillait pas votre esprit depuis déjà un sacré bout de temps. Et cerise sur le gâteau : l’année 2020 et ses lots de joies en tout genre, a fini par anéantir le restant d’amour entre vous et la ville lumière. C’est décidé, vous allez lever l’encre. Pour autant, certains aspects vous angoissent, au point de vous faire presque douter. « Y aura-t-il du travail pour moi ailleurs ? Comment vais-je m’adapter à un nouvel environnement pro et perso ? » Pour répondre à vos interrogations, Clémence et Nessrine, deux professionnelles des RH, fines connaisseuses de la mobilité géographique, livrent leurs conseils et retours d’expérience pour vous permettre de prendre la poudre d’escampette en toute sérénité.

Clémence Cariou est responsable RH chez Faguo, une marque française de vêtements et chaussures carbone positive. Désireuse d’un changement de vie, Clémence quitte la région parisienne il y a trois ans pour La Loire-Atlantique, dans le cadre d’une mobilité interne au sein de sa précédente entreprise. En 2019, elle rejoint Faguo, dont le siège venait de déménager de Paris à Nantes.

Nessrine Belkheir est HR Executive chez Klanik, une société de conseil présente dans plusieurs villes en France, constituée de plus de 300 collaborateurs. Basée en région PACA, Nessrine accompagne les collaborateurs sur leurs projets de mobilité géographique dans toute la France depuis près de sept ans.

Le podcast de notre événement Boost, by Welcome to the Jungle

Décrocher un job hors de Paris, même pas peur ?

Entre casse-tête et concessions

Trouver un travail en province n’est pas chose aisée en raison du monde qui se bouscule au portillon. Avec davantage de demandes que d’offres, les demandeurs d’emploi sont obligés de revoir leurs standards. « Pour être passée par là, je sais qu’il faut être conscient de la difficulté à trouver un emploi hors de Paris. » met en garde Clémence, précisant que « la communication ou le marketing seront des secteurs moins accessibles que l’IT par exemple. » Toutefois, les marchés sont très différents d’une ville à une autre, c’est pourquoi il est fondamental de se renseigner au cas par cas sur les secteurs les plus concurrentiels. Certains domaines sont à privilégier : « Si l’on prend l’exemple de Nantes, les secteurs de l’industrie et de l’agroalimentaire sont les plus porteurs. » explique la RH de chez Faguo. N’hésitez pas à aller faire un tour sur la plateforme QAPA, cette dernière dévoilant les secteurs qui recrutent le plus à la rentrée 2020, région par région.

Les grands groupes sont majoritaires à avoir posé bagage à Paris, laissant généralement à la province nombre de PME. Aussi, afin de ne se fermer aucune porte, Clémence conseille d’élargir le secteur d’activité et le type de poste envisagé. « Les sociétés étant plus petites, les postes vont être plus larges et moins spécialisés. D’où l’intérêt d’ouvrir au maximum le choix des possibles. On s’en rend vite compte durant sa recherche d’emploi ! »

« Les sociétés étant plus petites, les postes vont être plus larges et moins spécialisés. D’où l’intérêt d’ouvrir au maximum le choix des possibles. On s’en rend vite compte durant sa recherche d’emploi ! », Clémence Cariou, Responsable RH chez Faguo

Pouvant être vu comme un avantage autant qu’un inconvénient, il existe aussi un turnover moins important dans les entreprises hors capitale. En quittant la région parisienne « il faut vous attendre à moins de postes à responsabilité ouverts », prévient Nessrine. De fait, les personnes sont en poste et ont tendance à s’engager sur le long terme. L’ascension professionnelle peut ainsi être longue, vous obligeant à prendre votre mal en patience. Pour faciliter votre insertion, renseignez-vous sur les événements locaux tels que les forums ou salons, ces solutions permettent de rencontrer directement des recruteurs dans la région visée, plutôt que de n’être qu’un CV perdu dans une boîte mail pleine à craquer.

On ne tire pas un trait sur son réseau, on l’étoffe

Pour optimiser votre recherche d’emploi hors Paris, gare à ne pas sous-estimer l’importance des contacts professionnels. Changer de ville, cela ne signifie pas dire “adieu” à son réseau professionnel, mais plutôt s’en recréer un deuxième. « Certes, le réseau parisien sera peut-être moins actif, mais il aidera à vous en créer un nouveau dans une nouvelle ville. Surtout, veillez à entretenir votre réseau précédent » conseille Clémence. Misez aussi sur les connaissances que vous tissez sur place : « À titre d’exemple, je reçois très régulièrement des CV de personnes que mes contacts connaissent et me recommandent », le bouche-à-oreille est un excellent moyen de s’ouvrir des portes.

N’hésitez pas non plus à agrandir votre réseau professionnel en y allant “au culot”. Une expérience que relate Clémence, expliquant que l’audace est un précieux allié. « J’ai regardé les boîtes dans ma région sur Welcome to the Jungle, puis j’ai directement contacté les gens via LinkedIn. Par exemple, j’ai envoyé un message à la DRH d’une boîte voisine pour lui proposer un déjeuner. » La jeune femme raconte qu’au fur-à-mesure, la méthode permet de construire un réseau. « On rencontre quelqu’un qui nous présente quelqu’un, et mine de rien, cela se fait assez facilement si l’on ose bousculer. » Au fil de ces contacts, vous pourrez aisément vous frayer un chemin professionnel à long terme.

« J’ai regardé les boîtes dans ma région sur Welcome to the Jungle, puis j’ai directement contacté les gens via LinkedIn. Par exemple, j’ai envoyé un message à la DRH d’une boîte voisine pour lui proposer un déjeuner. », Clémence Cariou, Responsable RH chez Faguo

Mobilité interne : l’art et la manière de s’y préparer

Ficeler votre projet : ce qui jouera en votre faveur

Qui dit nouvel environnement, ne dit pas nécessairement changement d’entreprise. Une mobilité géographique peut également être faite sans quitter votre job, vous délestant ainsi du poids de la recherche d’emploi. Néanmoins, il s’agira de préparer ce projet avec tout autant de minutie, de sorte à formuler une demande pertinente auprès de votre manager et/ou de votre RH. Et on ne va pas se mentir, votre employeur aura plus tendance à se battre pour un collaborateur particulièrement apprécié, tant par rapport à ses résultats que sur des aspects humains. « On a encore moins envie de les perdre. » souligne Nessrine. Elle ajoute : « Pour moi, on aura plus de doutes face à une personne qui n’est pas forcément performante ou avec qui ça ne se passe pas très bien au niveau relationnel. »

Dans certaines entreprises, l’ancienneté peut également être un facteur pris en compte. Chez Klanik, s’il n’existe pas de conditions particulières à remplir, il convient d’être transparent dès la gestation du projet. « L’objectif c’est que nous puissions anticiper, solliciter les bons interlocuteurs et trouver le poste adéquat dans une future ville. » explique Nessrine. Des raisons personnelles motivant souvent cette demande, n’hésitez pas à préciser s’il s’agit d’un rapprochement de conjoint, de famille, ou pour retrouver votre région natale, ces motifs étant recevables pour un employeur. « Je vous encourage à entrer dans ce niveau de détails », conseille la HR Executive, « votre décision paraîtra ainsi mature et réfléchie. »

Gare à la précipitation !

Demander une mobilité interne, ce n’est pas contacter une agence de voyages. Inutile de préciser que vous n’aurez pas l’air très convaincant aux yeux d’un RH, si vous arrivez avec une idée non aboutie, motivée par un simple désir d’évasion. Si vous foncez tête baissée dans un projet irréfléchi, vous risquez de le regretter amèrement une fois confronté au déracinement d’une ville et d’un emploi inconnus. « Je vais très vite faire le tri entre la personne qui a mûrement réfléchi au sujet, envisagé les aspects pratiques et s’est renseignée sur la ville, et celle qui est vaguement attirée par une ville sans s’être posée des questions ou projetée à long terme. » prévient Nessrine. Les recruteurs ne veulent pas prendre le risque de s’engager dans un projet bancal, au risque de vous voir faire marche arrière au dernier moment. L’idéal est de faire coïncider son besoin personnel avec une opportunité en interne, de connaître la région visée, voire d’y avoir une bande d’amis ou de la famille. Idem si vous déménagez et recherchez un nouveau job : le fait d’avoir des attaches dans la région jouera en votre faveur pour appuyer votre candidature, ces préalables favorisant votre intégration.

« Je vais très vite faire le tri entre la personne qui a mûrement réfléchi au sujet, envisagé les aspects pratiques et s’est renseignée sur la ville, et celle qui est vaguement attirée par une ville sans s’être posée des questions ou projetée à long terme. », Nessrine, HR Executive chez Klanik

La vie hors de Paris entre rêve et réalité

Un salaire moins attractif qu’à Paris ?

En quittant Paris, il est fréquent de ne pas retrouver un salaire aussi généreux. Néanmoins, votre rémunération dépendra davantage des grilles fixées par votre entreprise et de la nature de votre poste, plutôt que d’une région en particulier. « En général, on observe une baisse de 15 à 20% quand on arrive en région PACA ou à Nantes, voire 25% en fonction du salaire de base et du poste. » expliquent Nessrine et Clémence. « En début de carrière, attendez-vous à une différence de 5000 euros sur le salaire à l’embauche entre Paris et la région PACA, sur des postes en RH, Business, Communication et même en IT. » prévient la RH chez Klanik, soulignant que les augmentations en cours de carrière sont aussi moins conséquentes. Pour autant, le manque à gagner est à nuancer : « Il y a un bon dicton qui dit : “Moins sur le bulletin de salaire, mais plus dans le portefeuille ! » Et pour cause : le coût de la vie y est souvent moins élevé que dans la capitale, cinquième ville la plus chère du monde. Pour avoir toutes les informations sur le coût de la vie dans différentes villes, rendez-vous sur le site numbeo.com — un excellent indicateur qui vous aidera à faire votre choix.

« Il y a un bon dicton qui dit : “Moins sur le bulletin de salaire, mais plus dans le portefeuille ! », Nessrine, HR Executive chez Klanik

Horaires en province, halte aux clichés parisiens

Sans tomber dans le cliché, il existe des différences entre les habitudes de travail dans la capitale et ailleurs. « Par rapport à Paris, c’est clair et net que l’on commence plus tôt à Nantes », affirme Clémence ayant connu les deux. Généralement, les amoureux de la grasse mat’ risquent de faire la tête, quand les plus branchés apéro seront tout guillerets. Avec un début de journée sur les coups de 8h30, la jeune femme explique qu’il est rare d’apercevoir des collaborateurs après 18h30. Pour autant Nessrine recommande de ne pas généraliser, pensant à tort que travailler en PACA implique de finir à 18h ou d’avoir 2h de pause déjeuner : renseignez-vous avant votre départ sur la culture d’entreprise, c’est elle qui déterminera le rythme de vos journées. Autant vous dire que si vous comptez filer dans le sud-ouest pour des siestes de folie, vous risquez de tomber de haut, et non pas de votre hamac.

Pour ce qui est de l’après-boulot, notez aussi que dans les plus petites villes, les gens sortent également un peu moins, les lieux propices aux sorties n’étant pas toujours aussi nombreux que dans la capitale. « À Paris, c’était compliqué de réussir à garder une soirée chez soi dans la semaine sans rien caler, ici, ce n’est même pas un sujet ! » s’amuse Clémence. « Mais c’est agréable, cela permet de se reposer davantage. Dans tous les cas, il faut être ok avec ça, en avoir pleinement conscience avant de faire le grand saut. »

La crise en faveur d’une mutation en 100% télétravail ?

Travailler de n’importe où, à n’importe quelle heure, voilà des thèmes plus que jamais dans l’ère du temps, tout particulièrement depuis la crise du Covid-19. Ayant favorisé l’accès au télétravail et jeté ainsi salariés et entreprises dans le grand bain, la démocratisation du travail à distance est lancée, mais cela ne le rend pas pour autant systématiquement possible. Pour Nessrine, cela dépend surtout du poste. « Si demain je demande à télétravailler à temps plein à mon employeur, cela ne va pas être possible. J’ai besoin de me déplacer sur Lille, Paris, Nice et Marseille, des villes sur lesquelles j’interviens, ayant besoin d’accompagner et de rencontrer des personnes dans mon activité. A contrario, pour d’autres métiers, comme ceux du secteur de l’IT, c’est une chose concevable. » Selon l’experte en recrutement, travailler en full remote a ouvert de nombreuses possibilités, notamment l’étude de candidatures inenvisageables par le passé. Pour la RH chez Klanik, le télétravail facilite une mobilité partielle : « Au lieu d’être 5 jours/5 à Paris ou Marseille, on peut très bien être deux/trois jours en remote et le reste du temps dans les locaux. Cela permet d’envisager des allers-retours avec de longs weekends, et de pouvoir plus facilement demander une mobilité, dans le cas d’un rapprochement de conjoint par exemple. » Reste à trouver la ville et l’opportunité de vos rêves et à laisser mûrir votre projet professionnel : tout vient à point à qui sait attendre.

« Au lieu d’être 5 jours/5 à Paris ou Marseille, on peut très bien être deux/trois jours en remote et le reste du temps dans les locaux. », Nessrine, HR Executive chez Klanik

Mais avant de faire vos adieux à Paris, soyez conscient qu’entre fantasme et réalité, vous pourriez être déçu. Parisien que vous êtes, petite piqûre de rappel à vos rêves champêtres : on ne met pas la charrue avant les boeufs. Aussi, prenez le temps de construire un projet solide avant de tout plaquer pour ce village perdu dans la Creuse, et de vouloir vous en échapper aussi vite que vous êtes venu !

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Photo by WTTJ