5 leçons de management laissées par le visionnaire Tony Hsieh

Nov 26, 2021

5 mins

5 leçons de management laissées par le visionnaire Tony Hsieh
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Laetitia VitaudLab expert

Future of work author and speaker

Du boom d’internet à l’explosion de son site Zappos, Tony Hsieh s’est imposé comme maître à penser de l’innovation managériale tout au long de sa vie. A l’origine de nombreux concepts, les enseignements à tirer de feu ce visionnaire restent.

Le 27 novembre 2020, Tony Hsieh, le mythique fondateur de Zappos et maître à penser de l’innovation managériale nous quittait. Son décès avait suscité beaucoup d’émotions, tant dans le monde de la tech que parmi celles/ceux qui s’intéressent au management.
Fils d’immigrés de Taiwan, Hsieh a grandi dans la baie de San Francisco, étudié à Harvard et connu une carrière fulgurante lors du premier boom de l’internet de la fin des années 1990. C’est en 1999 qu’il a lancé Zappos, une startup de vente de chaussures en ligne qui a connu un immense succès et a été rachetée par Amazon en 2009.

En 2010, il publie le livre Delivering Happiness, un best-seller dans lequel il raconte sa vie d’entrepreneur, mais aussi la manière dont il a créé la culture de Zappos, et les idées innovantes de management qui ont fait de Zappos l’une des « holacraties » les plus remarquées de l’histoire des organisations. Si l’holacratie est un concept qui vous dit quelque chose aujourd’hui, Tony Hsieh n’y est sans doute pas pour rien (et peu importe qu’il s’en soit éloigné au cours des dernières années de sa vie).

Une holacratie, c’est un système d’organisation qui permet de disséminer la prise de décision grâce à une organisation composée d’équipes autogérées. Les holons sont des entités autonomes et indépendantes reliées à une entité supérieure dont elles font partie. Le système a d’abord été développé en 2001 par l’entrepreneur (et auteur) Brian Robertson, mais Hsieh a beaucoup fait pour les populariser. En effet, pendant longtemps, on n’a pas eu d’autres exemples d’organisations holacratiques à se mettre sous la dent que Zappos.

Voici 5 leçons de management tirées de la vie, de la carrière et du livre de Tony Hsieh.

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1. Tout commence avec le service client

L’entreprise Zappos a bâti son succès sur un service client légendaire. Les employé·e·s de Zappos passaient des heures au téléphone (sans aucune limite de temps) avec les client·e·s, parfois pour parler de tout autre chose que des chaussures ! Au départ, les chaussures, ça n’était sans doute pas le type de produit le plus facile à vendre en ligne, mais Zappos a changé cela. La fluidité et l’excellence de l’expérience client ont fait de Zappos une référence incontournable dans le commerce en ligne.

« L’effet WAOUH » lié au service client a façonné une culture d’entreprise unique. C’est à partir de cette culture que Zappos a aidé ses salarié·e·s à se développer professionnellement et personnellement. En 2009, quand Amazon a racheté Zappos pour 1,2 milliards de dollars, Zappos a été classée par le magazine Fortune parmi les 25 meilleures entreprises pour lesquelles travailler.

C’est d’ailleurs (entre autres choses) pour sa vision du service client que Jeff Bezos, le PDG d’Amazon, a rendu hommage à Hsieh : « Le monde t’a perdu bien trop tôt (…) ta curiosité, ta vision et l’attention que tu portais sans relâche aux client·e·s laissent une marque indélébile » a déclaré Bezos sur Instagram après la mort de Hsieh.

2. Avec le sens de la débrouille et une gentillesse sans faille, vous irez loin

Toutes les personnes qui ont connu Hsieh personnellement soulignent ses grandes qualités humaines. Hsieh a eu beau faire des grandes études (il a étudié à Harvard), c’est surtout son sens de la débrouille et sa détermination qui ont fait la différence. D’ailleurs, ses camarades d’université racontent qu’il ne travaillait pas beaucoup à l’université : « J’ai toujours été impressionné par sa capacité à faire le moins de travail possible tout en obtenant les meilleures notes. C’est lui qui s’est le moins préparé pour entrer dans l’équipe des Olympiades de l’informatique. Il pensait toujours au leverage (effet de levier) et à ce qui fait qu’un projet échoue. »

L’une de ses qualités essentielles était le grit (difficile à traduire, c’est un mélange de cran et de persévérance). La persévérance dans l’effort, combinée à une motivation puissante pour atteindre un objectif, sont la clef de la réussite professionnelle. Et Hsieh en était richement pourvu.

3. Mettez de l’amusement et un peu de « bizarrerie » dans votre management (“fun and a little bit of weirdness”)

Lors des entretiens d’embauche chez Zappos, Hsieh avait l’habitude de poser la question suivantes aux candidat·e·s : « Sur une échelle de 1 à 10, à quel point êtes-vous bizarre ? » Plus tard, il a expliqué l’intérêt de sa question : « si vous êtes à 1, vous êtes probablement trop coincé·e pour nous ; si vous êtes à 10, vous êtes probablement trop psychotique. Entre les deux, ce n’est pas le chiffre qui compte, c’est la réaction à la question. »

Dans une entreprise qui veut innover, il faut des personnes « bizarres » pour avancer. Souvent, Hsieh a privilégié à Zappos les approches non conventionnelles. Par exemple, alors qu’on voyait plutôt le service client comme un coût à réduire, Hsieh a voulu y consacrer (beaucoup) plus de budget. C’est la « bizarrerie » qui a fait de Zappos une histoire extraordinaire.

Sur l’échelle de la bizarrerie, Hsieh avait une note élevée. Sa créativité était sans égale et parfois incontrôlable. Il balançait à ses salarié·e·s une idée excentrique après l’autre. Charge à eux/elles d’en exploiter le potentiel…

4. Votre potentiel créatif dépend de votre raison d’être

La « raison d’être » est à la mode par les temps qui courent, mais derrière cette expression, on ne met parfois que des discours creux. Dans une holacratie, où il n’y a pas de manager et où les individus se gèrent par eux/elles-mêmes, la raison d’être est en revanche vitale. C’est très clair dans l’histoire de Zappos dont Hsieh raconte la genèse dans son livre Delivering Happiness.

Pour Brian Robertson, l’inventeur du concept d’holacratie, la raison d’être est « le potentiel créatif le plus profond que l’Organisation peut durablement exprimer dans le monde, compte tenu de l’ensemble des contraintes auxquelles celle-ci est soumise et de toutes les choses dont elle dispose. Il s’agit notamment, de son histoire, de ses capacités actuelles, de ses ressources disponibles, de sa culture, de sa structure, de sa marque, de sa connaissance du marché, ainsi que toutes les autres ressources ou facteurs pertinents ».

La raison d’être fédère l’action des individus qui vont contribuer à sa réalisation par leurs compétences, aptitudes, et implication. Pour cela, l’organisation va se structurer en cercles. Chaque cercle a sa propre raison d’être qui contribue à la raison d’être globale, tout en restant autonome dans son fonctionnement.

5. Un modèle basé sur l’autogestion repose sur deux choses apparemment contradictoires : la fiabilité et l’adaptabilité

On associe la fiabilité à la rentabilité pour les actionnaires, la stabilité de l’emploi et la qualité du service client. En revanche, l’adaptabilité repose sur la capacité à apporter des petits ajustements inattendus au processus de fabrication, à répondre à des attentes singulières, voire à un changement fondamental de stratégie.

En général, si on a la fiabilité, on manque d’adaptabilité (et réciproquement). Quand il y trop de normalisation au nom de la fiabilité, cela peut rendre les entreprises insensibles à l’évolution des marchés. Mais si on met trop l’accent sur l’adaptation, l’entreprise risque de se fragmenter et de perdre l’effet de levier qui accompagne le passage à l’échelle. Souvent, les grandes entreprises penchent plutôt du côté de la fiabilité… et finissent ainsi par créer de la rigidité et de la bureaucratie.

Les salarié·e·s aussi ont besoin de fiabilité et d’adaptabilité. Pour être efficaces au travail, ils/elles doivent bénéficier d’un environnement de travail stable, avoir accès à des ressources essentielles et avoir des objectifs et des responsabilités clairs. Mais ils/elles doivent également disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour s’adapter aux conditions changeantes et prendre les bonnes décisions sur le moment. Réussir en tant qu’holacratie, c’est donc un périlleux exercice d’équilibriste.


Photo par Thomas Decamps pour WTTJ
Texte édité par Héloïse de Montety, Publié le 3/12/2020, Mis à jour le 26/11/21