Surmonter la dépression en créant une start-up : l'histoire de Laurent Cellérier

Dec 05, 2018

5 mins

Surmonter la dépression en créant une start-up : l'histoire de Laurent Cellérier
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À 51 ans, Laurent Cellérier, associé dans un cabinet d’expertise comptable, vient de publier un livre dans lequel il revient sur le burn-out qui l’a frappé en 2016. Père de trois enfants, il détaille pour Welcome to the Jungle comment la création de sa start-up, baptisée Ecollaboratrice, l’a aidé à sortir de la dépression.

Quel a été votre parcours professionnel ?

J’ai suivi des études en comptabilité et après une première expérience chez Marks & Spencer, j’ai intégré un cabinet d’expertise comptable. J’ai ensuite rejoint le cabinet fondé par le père de mon épouse, qui avait ouvert un bureau à Brest dont j’ai pris la direction. En 2013, lorsque mon beau-père est parti à la retraite, mon associé et moi avons décidé d’ouvrir le capital à nos salariés et de transformer le cabinet en société de prestations de services dans le domaine de l’expertise comptable, notamment en développant de nouveaux services afin de mieux accompagner nos clients. Aujourd’hui, je travaille toujours au sein de cette entreprise mais j’ai en parallèle, et toujours avec mes associés, créé une start-up baptisée Ecollaboratrice, qui a été officiellement lancée en octobre 2018.

Qu’est-ce qui vous a conduit vers le burn-out ?

En parallèle de mes fonctions au sein du cabinet, j’étais engagé dans plusieurs associations dont une association nationale des experts comptables et le conseil régional de l’ordre des experts comptables. Je crois que je suis arrivé à une situation de trop-plein, que ce soit au niveau personnel et professionnel, qui m’a conduit au burn-out. Je n’arrivais plus à apprécier les choses que je faisais, j’avais l’impression de passer à côté de ma vie, à tel point que j’étais en train de préparer mon suicide.

Je crois que je suis arrivé à une situation de trop-plein, que ce soit au niveau personnel et professionnel, qui m’a conduit au burn-out. Je n’arrivais plus à apprécier les choses que je faisais, j’avais l’impression de passer à côté de ma vie.

Parvenez-vous aujourd’hui à expliquer les causes profondes de cette dépression ?

Les médecins qui m’ont encadré aux urgences psychiatriques, puis en maison de repos en juin 2016, m’ont aidé à comprendre la source du mal, pourquoi je ne m’aimais pas au point de vouloir me détruire alors que tout autour de moi n’était que réussite. Là, est ressorti un événement de mon enfance : j’ai été abusé sexuellement par un instituteur. Je n’en avais jamais parlé à personne, j’avais l’impression que ce n’était qu’un mauvais souvenir d’enfance, j’avais l’impression que je l’avais digéré. Mais cet événement a créé chez moi un fort sentiment de culpabilité et d’imposture qui me poussait tout le temps à en faire plus, toujours plus. C’est en me chargeant de cette façon-là que je me suis retrouvé dans une situation d’extrême fatigue, nerveuse et psychologique, avec une boule au ventre permanente et la conviction que ma vie n’avait aucun sens.

De quelle manière cet événement a-t-il construit votre personnalité ?

Du fait d’avoir été manipulé, j’ai toujours eu du mal à m’identifier comme une victime et je me disais que si cela était arrivé, c’était parce que j’en étais responsable. Cela a brisé ma confiance en moi, je n’étais jamais satisfait et c’est ce qui m’a poussé pendant des années à vouloir en faire toujours davantage pour prouver aux autres et à moi-même que j’étais capable de mieux.

Cet événement a brisé ma confiance en moi, je n’étais jamais satisfait et c’est ce qui m’a poussé pendant des années à vouloir en faire toujours davantage pour prouver aux autres et à moi-même que j’étais capable de mieux.

Comment s’est passé votre retour au travail ?

J’ai été hospitalisé pendant un mois, puis je suis rapidement retourné au cabinet. J’étais toujours sous anxiolytiques, je ressentais une honte terrible mais j’avais une très forte volonté de remonter la pente et de reprendre le travail. Jusqu’à la fin du mois d’août, cela a été une période très difficile : le matin en me réveillant, j’avais l’impression que je n’allais jamais y arriver et le soir en me couchant, je reprenais espoir. Mais dès le lendemain, mes pensées noires revenaient. Heureusement, ma famille et mes associés ont été très présents et ont fait preuve de beaucoup de bienveillance à mon égard.

Quand et comment avez-vous eu l’idée de créer votre start-up ?

Rapidement, ma femme m’a demandé de me retirer de toutes les associations dans lesquelles j’étais engagé pour que je me repose, et mes associés, qui ne savaient pas quand j’allais vraiment pouvoir reprendre le dessus, avaient repris en main la plupart de mes rendez-vous. Résultat, je me suis un peu retrouvé devant une page blanche. J’ai eu le temps de réfléchir à mon métier, au sens que je voulais lui donner. J’ai commencé à envisager une nouvelle philosophie du travail d’expert-comptable, et à travailler sur l’idée d’un outil de valorisation de nos missions afin d’élaborer une nouvelle palette de services à proposer à nos clients. Mes associés ont été emballés par mon idée et m’ont suivi dans ce projet qui s’est concrétisé par la création de notre start-up baptisée Ecollaboratrice en octobre dernier.

J’ai eu le temps de réfléchir à mon métier, au sens que je voulais lui donner. J’ai commencé à envisager une nouvelle philosophie du travail d’expert-comptable, et à travailler sur l’idée d’un outil de valorisation de nos missions afin d’élaborer une nouvelle palette de services à proposer à nos clients.

En quelques mots, pouvez-vous présenter Ecollaboratrice ?

Ecollaboratrice, c’est une plateforme de services numériques dans le domaine des ressources humaines à destination des PME et des TPE qui permet de gérer le recrutement de ses salariés, l’élaboration des contrats de travail, le suivi des entretiens individuels ou encore le système de paie de l’entreprise. C’est également un outil de planification et de restitution d’informations avec des technologies nouvelles comme la réalité augmentée au service des experts comptables et de leurs clients.

Comment ce projet vous a-t-il aidé à sortir de la dépression ?

Il m’a permis de donner du sens à mon travail et le fait que mon idée soit reconnue et validée par la profession m’a aidé à aller beaucoup mieux, et à reprendre confiance en moi.

Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d’écrire un livre pour raconter votre histoire ?

Après avoir présenté mon projet lors du Congrès national des experts comptables en 2017, où j’ai reçu un accueil très enthousiaste, je me suis dit que plutôt que de réaliser une plaquette de présentation classique de l’outil que j’avais développé, ce serait plus percutant d’écrire un récit sur la naissance de cette idée. J’ai rencontré un journaliste avec qui j’ai travaillé sur la rédaction de ce livre. Je pensais vraiment rester sur l’aspect commercial de mon projet mais lors de nos premiers entretiens, il m’a poussé à me dévoiler, à parler de mon parcours et de la dépression que j’avais traversée. Il m’a convaincu que raconter mon histoire personnelle aurait de l’impact et nous nous sommes mis à écrire ce livre ensemble.

Je me suis dit que plutôt que de réaliser une plaquette de présentation classique de l’outil que j’avais développé, ce serait plus percutant d’écrire un récit sur la naissance de cette idée.

Le fait d’écrire votre histoire vous a-t-il aidé à guérir ?

Oui, cela m’a fait beaucoup de bien car l’écriture m’a permis de structurer les événements qui m’avaient conduit à faire un burn-out puis ceux qui m’ont permis d’en sortir et de créer ma start-up. Ce livre m’a aidé à mieux me connaître moi-même.

Quel message souhaitez-vous faire passer ?

Mon message est simple : prenez le temps de réfléchir au sens que vous voulez donner à votre vie tant personnelle que professionnelle, et une fois que vous aurez clairement identifié ce que vous voulez - le “pourquoi” -, le “comment” viendra tout seul. Au-delà de la démarche commerciale, qui vise à faire connaître Ecollaboratrice, ce livre a pour objectif de montrer à ceux qui ont traversé des périodes difficiles que la guérison est possible.

Prenez le temps de réfléchir au sens que vous voulez donner à votre vie tant personnelle que professionnelle, et une fois que vous aurez clairement identifié ce que vous voulez - “le pourquoi” -, le “comment” viendra tout seul.

Comment allez-vous aujourd’hui ?

Aujourd’hui, je dirais que je vais presque très bien. Toute la réflexion que j’ai menée sur moi-même tant sur le plan privé que professionnel m’a permis d’avancer dans ma relation avec mon entourage et cela m’a énormément aidé. D’un point de vue professionnel, je suis aujourd’hui convaincu que l’outil que j’ai développé est utile et pertinent mais j’ai encore quelques angoisses sur sa commercialisation. J’irai très bien le jour où d’autres cabinets auront à leur tour adopté Ecollaboratrice !

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Photo by WTTJ

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