Énergies, pendule, ésotérisme... Démystification du travail de magnétiseur·se

May 11, 2021

10 mins

Énergies, pendule, ésotérisme... Démystification du travail de magnétiseur·se
authors
Thomas Decamps

Photographe chez Welcome to the Jungle

Romane Ganneval

Journaliste - Welcome to the Jungle

Coupeurs de feu pour soigner un eczéma ou un psoriasis, sauge pour purifier une maison hantée, pendule pour voir l’avenir… À chaque époque et dans toutes les cultures, des guérisseurs dotés de dons particuliers ont été appelés en renfort de la médecine classique. Persécutés et condamnés au bûcher pendant des siècles pour pratique illégale de la sorcellerie, ils sont aujourd’hui célébrés par certains et ouvrent des cabinets avec pignon sur rue. Selon une enquête réalisée par l’Ifop avec la Fondation Jean-Jaurès, publiée en décembre 2020, en France, près de 70% des 18-24 ans déclarent croire aux disciplines des parasciences, parmi lesquelles les lignes de la main, la voyance, la cartomancie, l’astrologie… Et 40% des moins de 35 ans disent adhérer à la sorcellerie. Mais que penser des spécialistes qui disent travailler sur l’énergie humaine ? Élodie Schiltz, magnétiseuse à Faulquemont, en Moselle, a accepté de nous parler de sa pratique.

Comment qualifieriez-vous votre travail : vous êtes sorcière, rebouteuse, énergéticienne, magnétiseuse ?

Disons, qu’il n’y a pas vraiment de terme idéal. Dans ma région, l’Est de la France, certains se disent guérisseurs, mais je trouve qu’énergéticienne correspond davantage à ce que je fais, puisque je travaille directement sur les énergies des personnes que je reçois dans mon cabinet.

C’est une voie disons… peu ordinaire ! Comment en vient-on à travailler avec les énergies ?

Après ma deuxième grossesse, il y a trois ans, j’ai changé pas mal de choses dans ma vie. J’ai commencé à travailler sur mon bien-être, ma santé et à prendre plus de temps pour mes proches. Un peu par hasard, je me suis rendue compte que mon conjoint, qui avait l’habitude d’avoir quatre migraines par mois, en avait moins à mon contact ou que celles-ci disparaissaient plus rapidement lorsque j’étais proche de lui. Au début, je me suis dit que ma présence le rassurait. Je suis très tactile et si un proche souffre, je vais tout faire pour l’aider, le réconforter. Comme ça devenait systématique, je me suis demandé s’il n’y avait pas autre chose. Alors, j’ai tapé sur Google : « Comment savoir si on a un magnétisme particulier ? » et je me suis reconnue. À côté de cela, dans mon village d’origine, il y avait un magnétiseur qui portait le même nom de famille que moi. En remontant mon arbre généalogique, j’ai vu que nous nous croisions au niveau de mon arrière-grand-père et j’ai appris que dans cette même branche, il y avait eu un guérisseur très actif au 19ème siècle.

« On m’a toujours dit que tout s’expliquait scientifiquement, rationnellement. Pousser pour la première fois la porte de l’énergétique a été un choc, enfin plutôt une révélation »

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Donc, vous n’avez pas vécu un choc, quelque chose de fulgurant ? Beaucoup disent avoir ressenti des choses après une « near death experience » (une expérience de mort imminente, ndlr) par exemple.

Non, ça a été très évolutif. Après avoir identifié un courant d’énergie particulier dans mes mains, j’ai commencé à faire des exercices chez moi : faire sécher des citrons, magnétiser de l’eau, des fleurs… Si tu te concentres et que tu magnétises un citron par la force de la pensée, au lieu de pourrir, il va finir par sécher… Après, il y a le travail avec le pendule : concrètement, tu poses une question au pendule et il tourne dans un certain sens pour indiquer une réponse. Enfant, je me suis beaucoup amusée à faire tourner une chaîne avec un pendentif au bout. J’ai repris cet outil et quand j’ai vu que ça fonctionnait à chaque fois, j’ai décidé de pousser un peu plus loin le travail des énergies en suivant une formation.

Il y a des formations certifiantes pour devenir énergéticienne ?

Même si le diplôme n’est pas reconnu par l’État, j’ai suivi un cursus en magnétisme à l’Institut Français des thérapies alternatives (IFTA) à Paris, en 2018. À ce moment-là, j’étais en congé maternité et j’avais décidé d’arrêter de travailler dans l’imprimerie où j’étais responsable technique depuis cinq ans. Mais à aucun moment, je me suis dit que j’allais suivre cette formation pour m’installer comme praticienne. Au départ, je m’étais éveillée aux énergies par simple curiosité. D’ailleurs, il était prévu que je me lance en graphiste freelance et que je travaille avec mon compagnon, photographe de métier. Naïvement, avant d’intégrer l’école, je pensais qu’on allait juste m’apprendre à poser mes mains d’une façon particulière sur le corps pour libérer les blocages et c’est à peu près tout. Ça ne s’est évidemment pas passé comme ça !

« Je n’aime pas la notion de don, parce que cela sous-entend que j’ai quelque chose de plus. Pour moi, c’est une sensibilité qu’on choisit de développer ou pas »

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Qu’est-ce que vous avez appris pendant cette formation ?

Je viens d’un milieu très cartésien, mon père était pharmacien et ne voulait pas entendre parler de ce qui sortait de ce cadre. On m’a toujours dit que tout s’expliquait scientifiquement, rationnellement. Pousser pour la première fois la porte de l’énergétique a été un choc, enfin plutôt une révélation. Jusqu’à ce moment précis, je n’avais jamais entendu qu’il fallait prendre soin de son énergie, que l’on se ressourçait davantage au contact de la nature qu’en restant enfermé chez soi. Le magnétisme, c’est une logique de vie à part. Mais la “vraie” révélation s’est faite à la fin de ma deuxième semaine de formation : il y avait des cas pratiques sur des personnes choisies par les formateurs. Comme j’étais la plus timide, j’ai eu le dernier volontaire. C’était un monsieur en dépression qui avait des soucis avec l’alcool. Mon père est décédé à cause de ce mal et cela faisait écho à ce que j’avais vécu enfant. À la fin de la séance, l’homme n’avait plus le même visage, il avait changé. À ce moment-là, je me suis dit que je pouvais vraiment aider et que je ne pouvais pas seulement le faire sur mes proches. Il fallait en faire bénéficier le plus grand nombre. C’est très fort de se rendre compte qu’on n’enlève pas seulement une brûlure ou un mal de tête, mais qu’on est capable de soulager une personne plus profondément, de lui permettre à un moment de sortir la tête de l’eau.

Vous avez toujours su que vous aviez un don ou du moins quelque chose de spécial lorsque vous étiez enfant ?

Je n’aime pas la notion de don, parce que cela sous-entend que j’ai quelque chose de plus. Pour moi, c’est une sensibilité qu’on choisit de développer ou pas. C’est un travail porté par une intention particulière. Enfant, j’étais très sensible, renfermée, à tel point que c’était handicapant ! Aujourd’hui, je comprends que c’est parce que je percevais certaines choses. Il m’est déjà arrivé de me rendre dans un lieu où je ne me sentais pas bien, parce que l’énergie n’y était pas bonne, ou de ne pas sentir une personne. Ce n’est pas un fantasme, une construction mentale, ni un caprice, c’est seulement que le courant ne passe pas. D’ailleurs, dans le langage courant, il nous arrive de dire « le courant ne passe pas ». Eh bien, si on n’est pas au même niveau énergétique, ça ne peut pas coller, un peu comme des aimants qui se repoussent. Après la sensibilité se manifeste différemment d’un individu à l’autre, moi j’ai les mains qui picotent.

C’est-à-dire ? Vos mains picotent à chaque fois que vous vous rapprochez d’une personne ?

Je débranche quand je ne suis pas en séance, sinon ça serait épuisant ! (Rires) Mais lorsqu’une personne est allongée sur ma table, je vais avoir un ressenti, des picotements, jusqu’à ressentir une douleur dans les mains lorsqu’il y a un blocage profond. Mais, ça s’arrête quand je retire les mains ! Au début, je me demandais : “Est-ce que c’est dangereux ? Qu’est-ce qu’il se passe ?” Heureusement qu’il y a des moyens de se protéger des énergies des autres ! C’est d’ailleurs pour cette raison qu’avant une séance, je me mets en condition, je médite. Je me construis une sorte de bulle protectrice autour de moi.

« L’image du rebouteux qui reçoit au fin fond de sa cave est encore très prégnante. Beaucoup de praticiens font des incantations avec des croix, récitent des prières, sans expliquer ce qui va se passer, c’est vraiment à l’opposé de ce que je propose »

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Est-ce que vous ne vous êtes jamais demandé si vous étiez folle ? Dans notre monde très cartésien, sentir ce genre de chose peut faire peur !

Non, le ressenti est très net, il est palpable. Je ne peux pas l’inventer. Après je travaille également avec des outils comme le pendule, les diapasons, les huiles essentielles, ça rajoute des sensations palpables à l’expérience. D’ailleurs, j’explique toujours ce que je vais faire aux personnes que je reçois pour démystifier un peu cette discipline et éviter de les effrayer.

Concrètement, vous leur expliquez comment vous allez rééquilibrer leurs énergies ?

Oui, l’énergie ce n’est pas quelque chose de magique, d’ésotérique, ça se rapproche de la médecine chinoise ou de l’ayurveda qui est pratiquée en Inde. Les méridiens énergétiques (en médecine traditionnelle chinoise, les méridiens seraient des canaux du corps humain, interconnectés, par lesquels circule l’énergie supposée vitale du corps. Cependant, la communauté scientifique rejette le concept de méridien comme étant issu d’une vision obsolète de la médecine, ndlr), ce n’est pas quelque chose de farfelu, mais ce sont des choses qui existent depuis des millénaires. En Chine, l’acupuncture travaille sur ces mêmes terminaisons nerveuses depuis des centaines d’années. Après, comme j’ai la capacité de débloquer ces points avec mes mains, je n’ai pas besoin de piquer.

L’aura (concept ésotérique qui désigne un contour coloré, comme un “halo de lumière” qui rayonnerait autour du corps ou de la tête d’un être vivant et qui serait la manifestation d’un champ d’énergie ou d’une force vitale, ndlr) c’est aussi très concret, ça peut sembler étrange et pourtant, on peut la photographier. Ce travail pédagogique avec les personnes que je reçois est nécessaire, d’autant que l’image du rebouteux qui reçoit au fin fond de sa cave est encore très prégnante. Beaucoup de praticiens font des incantations avec des croix, récitent des prières, sans expliquer ce qui va se passer, c’est vraiment à l’opposé de ce que je propose. Aujourd’hui, je pense que ça dessert la profession.

« Je ne soigne pas les cellules. Dans le cas de personnes atteintes de cancer, je vais simplement renforcer leur foi et les rebooster pour atténuer les effets secondaires de la chimiothérapie »

Vous diriez que c’est un secteur stigmatisé ?

Je l’ai d’abord observé sur mes proches : soit ils m’ont dit que c’était génial, soit ils ont eu peur du domaine et ont pris de la distance. L’énergie fait peur et certains pensent qu’on peut leur faire du mal, même si ce n’est pas du tout le but ! En même temps, ces dernières années, la France s’est ouverte à ce genre de pratique et les gens sont de plus en plus réceptifs. Après, cette mode a aussi son revers. Quand je vois que certains ouvrent leur cabinet de Reiki après avoir acheté une formation de trois jours sur Internet, j’ai quelques doutes. D’autres ont également du mal à gérer ce qu’ils font. Si tu donnes ton énergie sans te protéger, tu vas t’épuiser.

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Qu’est-ce qu’on vous demande généralement pendant une séance ?

Certaines consultations peuvent être cocasses ! Il m’est déjà arrivé qu’on me demande si je voyais l’avenir, mais je refuse de répondre à ce genre de requêtes. Disons que j’ai des flashs sur les personnes, mais uniquement sur leur état au moment où elles sont allongées sur la table. Le plus perturbant, ça a été de voir des images d’enfants en pleine séance. Souvent, cela signifie qu’on est fâché avec son enfant intérieur, ou qu’on essaie d’occulter un incident survenu dans l’enfance. En revanche, ce que je vois beaucoup, particulièrement chez les femmes, c’est un manque profond de confiance, ce qui a un impact significatif sur leurs peurs.

Quelle est la limite aux soins énergétiques ?

Il est déjà arrivé qu’on me demande de travailler sur un proche d’une personne que je recevais, mais si la personne en question n’en a pas expressément fait la demande, je ne peux rien faire. On ne peut pas forcer qui que ce soit, ni aller contre le libre-arbitre. Deuxième chose, je ne reçois pas si je suis à plat ou fatiguée. On n’est pas des robots et on ne travaille pas sur commande. Troisième point, on ne peut pas tout soigner et le soin peut avoir plus ou moins d’impact selon la personne. Avec certains, le courant aura du mal à passer et parfois il arrive que ce ne soit pas le bon moment. J’enlève systématiquement une brûlure, un mal de dents, mais si une personne vient me voir alors qu’elle est en dépression, c’est aussi à elle de travailler sur son état. Est-ce qu’elle a vraiment envie de se sortir de ça ? Après une séance, il y aura forcément du mieux, mais jusqu’à quel point ? Et enfin,je ne soigne pas les cellules. Dans le cas de personnes atteintes de cancer, je vais simplement travailler sur leur foie pour drainer les substances de la chimiothérapie et remonter leur immunité. Il faut faire attention aux dérives : une fois, une femme m’a appelé parce qu’elle n’arrivait plus à bouger son bras, je l’ai prise tout de suite. Son bras avait vraiment doublé de volume, j’ai fait la séance, mais je lui ai répété 125 fois d’aller aux urgences !

Vous ne pensez pas que les personnes qui viennent vous voir recherchent d’abord une écoute ?

C’est vrai ! D’ailleurs, ça me fait penser à mon parcours personnel. Alors que ma grossesse s’était très bien passée, j’ai eu énormément de douleurs après le terme. Un mois après mon accouchement, j’étais à la limite de septicémie parce que j’avais fait une infection sans que personne ne prête attention à mon bien-être. Je dirais que la médecine classique manque de temps et de moyens pour accompagner les patients. Lorsqu’une personne est en dépression, les médecins prescrivent des antidépresseurs sans vraiment chercher la cause de leur mal-être, c’est dommage. Je pense que ce n’est pas un hasard si les personnes qui viennent me voir se trouvent généralement en errance médicale. Pour autant, je leur demande à chaque fois s’ils ont bien fait le tour des spécialistes avant de commencer un traitement énergétique. J’interviens en accompagnement, en appui à la médecine.

Beaucoup de guérisseurs travaillent gratuitement, vous n’avez pas eu de difficultés éthiques à monétiser votre activité ?

Au départ, j’ai eu du mal à fixer mon niveau de prix et j’ai commencé très bas. Après, dans ma région, ce sont des choses que l’on a l’habitude de monétiser : certains vont travailler en don libre, d’autres ont des tarifs exorbitants… Je pense qu’il faut trouver un juste milieu. Quand la séance était à 45 euros, on m’a dit que ce n’était vraiment pas cher, que cela ne donnait pas une image très sérieuse des soins que je proposais. Il y a un dernier point que je trouve intéressant, en formation, j’ai appris que lorsqu’une personne payait une séance, elle s’impliquait davantage et donc que les résultats étaient plus significatifs.

L’homme a besoin d’irrationnel et de spiritualité pour son équilibre ?

Pour prendre de la hauteur, grandir et avancer, nous avons tous besoin de spiritualité. C’est humain de vouloir se raccrocher à quelque chose. Je pense que c’est plutôt une bonne chose même si c’est un peu à contre-courant de ce que veut la société. Malheureusement, on est encore éduqué dans l’optique d’aller toujours plus vite et le fait de prendre du temps pour soi est souvent mal perçu. Mais ce temps est pourtant nécessaire à notre équilibre !

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Photos by WTTJ
Édité par Gabrielle Predko

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