Entretien annuel : 7 conseils pour accepter la critique sans se laisser abattre

Dec 17, 2020 - updated Jan 01, 2022

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Entretien annuel : 7 conseils pour accepter la critique sans se laisser abattre
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Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

L’heure fatidique des entretiens de fin d’année a sonné. Un son qui résonne en vous comme le glas. Cœur battant dans la poitrine, pouls rapide, vous vous avancez d’un pas lent et solennel avec l’impression de pénétrer sur un ring de boxe. Ça y est, vous y êtes. Votre manager ouvre la bouche… Et déjà vous serrez les poings et la mâchoire. L’entretien commence par une série de compliments. D’un air suspicieux vous attendez. Vous tenez la garde… Tiens, voilà une première critique. Bim ! Vous la recevez comme un uppercut. Puis vient une autre… Crochet ! À peine le temps de reprendre votre souffle, qu’une dernière remarque vous met K.O… L’arbitre sonne la fin du match. Vous repartez la tête baissée, le moral dans les baskets. Vous avez beau revivre chaque année ces entretiens, la critique vous fait toujours aussi mal. Et alors que pleuvaient les compliments, vous ne retenez que les coups…

Il y a pourtant d’autres manières d’affronter l’épreuve de la critique. Tout n’est qu’une question d’entraînement, de mise en conditions et de mental. Décryptage avec Timéa Bezulowsky, psychologue clinicienne et psychothérapeute, qui vous livre ses conseils de coach pour recevoir la critique, sans vous laisser abattre…

Critique au travail : pourquoi ça fait si mal ?

Du latin « criticus », le verbe critiquer désigne le fait d’être capable de discernement, de jugement. La critique nous renvoie donc au sentiment désagréable d’être examiné, analysé, noté. Tel l’élève devant le maître, l’enfant devant ses parents. Une sensation inconfortable et infantilisante qui nous fait souvent souffrir. « À chaud, la plupart des personnes ont tendance à réagir de façon négative à la critique, observe Timéa. Elle est reçue de façon désagréable, comme une remise en question de notre propre personne. »

« La critique peut faire l’objet d’interprétations et ainsi générer des réactions plus négatives encore que dans la sphère privée » Timéa Bezulowsky, psychologue clinicienne

Une souffrance, particulièrement exacerbée lorsque la critique est formulée sur le lieu de travail. « Dans la sphère professionnelle, poursuit-elle, il peut être plus difficile de recevoir une critique que dans la sphère personnelle, puisque les enjeux sont différents. On peut avoir peur pour sa place, peur d’être éjecté de son poste. Au travail, il y a une pression particulière. La critique peut faire l’objet d’interprétations et ainsi générer des réactions plus négatives encore que dans la sphère privée. »

Pourtant, la critique est essentielle au travail. « Si on ne remarque que les aspects positifs, reprend la psychologue, il reste peu de place pour la construction, l’évolution et la progression dans l’entreprise. Or, l’idée de la critique, c’est bien sûr de pouvoir mettre l’accent sur certaines difficultés pour qu’elles puissent être résolues et surmontées. »

Alors quelle est la bonne façon de réagir à la critique au boulot ? Qu’il s’agisse d’une critique informelle, entre deux portes dans un couloir, ou d’une critique formelle en entretien annuel, recevoir et accepter la critique est tout un art ! Voici quelques conseils de psy pour y arriver.

1. Faites-le point avec vous-même…

En amont de votre entretien, la première chose à faire est de vous préparer mentalement à encaisser la critique. « Pour cela, précise Timéa. Le plus efficace est de faire un point, au calme, avec vous-même. Il s’agit d’évaluer son propre niveau de confiance en soi. Parce que ce niveau de confiance en soi va être corrélé à la façon dont on va recevoir d’éventuelles critiques. » S’il est bas, « effectivement, reconnaît la psychologue, il y a plus de risques que la personne ressente la critique comme quelque chose d’agressif et qu’elle en soit affectée. » Connaître son niveau de confiance en soi, permet donc d’être plus armé pour recevoir les critiques de façon constructive. « Cette auto-évaluation, poursuit-elle, devrait permettre de mettre de la distance avec les remarques qui seront formulées en entretien. En prenant conscience de son niveau de confiance en soi, y compris s’il est plutôt bas, la personne sera davantage préparée à recevoir la critique difficilement. Elle sera moins étonnée par ses émotions et réactions. Jauger son niveau de confiance en soi, revient précisément à jauger ses capacités à affronter cet entretien et à recevoir la critique. »

2. La veille : réconfortez-vous !

On a beau se préparer mentalement à cet entretien, rien n’y fait : comme la veille d’un match, l’angoisse est bien là, palpable… « Pour se rassurer la veille de l’entretien, recommande Timéa. Il faut trouver des moyens de se calmer. » L’angoisse que l’on ressent est le plus souvent liée à la peur du jugement d’autrui ou à la peur de ne pas savoir répondre à la critique. « La veille de l’entretien, continue la psychologue. Il est bon d’évaluer nos émotions. Est-ce qu’on se sent plutôt anxieux ? Ou est-ce de l’impatience ? Notre ressenti nous apporte là une réponse sur la manière dont il faut traiter nos émotions. Chaque émotion nécessite une réponse différente. » Si je suis dans l’anxiété, c’est donc que j’appréhende l’entretien du lendemain, je crains qu’il ne se passe mal. « Il faut alors essayer de se rassurer avec des phrases rationnelles, ajoute-t-elle. Essayez de formuler des phrases qui sont proches de la réalité que vous avez déjà vécue. Par exemple, dites-vous : ‘‘J’ai déjà vécu un entretien comme celui de demain et je sais que j’en suis capable.’’ L’idée est de diminuer votre auto-exigence en évitant l’anticipation du pire, mais plutôt en restant rationnel. » Maîtriser cette angoisse permet aussi de ne pas réagir à chaud, sous le coup de l’émotion à l’instant T.

3. Efforcez-vous de comprendre la critique

Recevoir une critique est souvent vécu comme un affront. Un coup porté au visage. L’ego est ébranlé. Alors, le premier réflexe est souvent de répliquer. Réagir avec violence à l’agression. Bref, se défendre. « La mauvaise façon de réagir à la critique, analyse Timéa, est de la prendre au premier degré. Elle est alors reçue de manière extrêmement négative. C’est ainsi que la critique va avoir tendance à nous remettre en question profondément. On se sent atteint, fragilisé. Et, la plupart du temps, cela génère une réaction agressive en retour. L’agressé va vouloir se défendre. » Or cela ne va en rien faire évoluer vos relations professionnelles. Au contraire, pour être constructive, la critique doit être digérée, analysée.

« La critique va avoir tendance à nous remettre en question profondément. On se sent atteint, fragilisé » Timéa Bezulowsky, psychologue clinicienne

« Pour cela, il est important de chercher à la comprendre et à assimiler les raisons qui ont motivé notre interlocuteur à formuler cette critique à notre encontre », insiste la psychologue. Quelle était son intention ? Quels sont ses besoins ? Interrogez-vous sur les raisons qui justifient cette critique. Si, au premier abord, la critique vous surprend, n’hésitez pas non plus à poser des questions pour mieux comprendre le message que votre manager souhaite vous faire passer.

4. Apprenez à verbaliser vos émotions

Sur le ring comme en entretien, on a tendance à tenir sa garde. Se protéger. Et quand le premier coup tombe, on encaisse. « Prendre sur soi est une mauvaise stratégie », assure Timéa. C’est pourtant la tactique choisie par le plus grand nombre, en particulier sur le terrain professionnel. « Cela va générer des conséquences extrêmement négatives, poursuit-elle. Puisque les tensions émotionnelles (boule au ventre, dans la gorge, envie de se défouler) vont être réfrénées, filtrées. Tout prendre sur nous pour garder la face ne nous permet pas d’être honnête et transparent avec nos managers. Cette jauge d’émotions non exprimées va se remplir, s’accumuler, au point de finir par exploser et entraîner une crise d’angoisse. »

Alors, pour éviter d’en arriver là et de finir K.O., au tapis, mieux vaut apprendre à verbaliser. « On parle régulièrement de verbaliser ce que l’on ressent, relève la psychologue. Mais, selon les caractères et les cultures, ce n’est pas toujours possible. Il faut bien avoir en tête qu’il existe d’autres façons d’extérioriser, notamment de façon corporelle, à travers le sport, la danse, l’art plastique, le théâtreL’objectif est d’évacuer ses tensions émotionnelles d’une manière ou d’une autre, à chacun de trouver comment. » Et pourquoi pas la boxe, justement ?

5. Autorisez-vous à répondre

Apprendre à recevoir et accepter la critique est essentiel. Mais que faire quand la critique est injuste ? Rassurez-vous, vous avez le droit de vous opposer à un jugement inique. « C’est la raison pour laquelle le travail de préparation en amont est crucial, reprend Timéa. En évaluant vos propres capacités, vous vous créez votre propre opinion et restez donc indépendant. Toutes les critiques ne doivent pas être reçues comme parole d’évangile. Il faut rester ouvert à la critique, mais parfois il est nécessaire de la remettre en question. Dans ce cas, référez-vous à des événements passés. Ils vous apporteront une perception objective de votre travail. Vous serez alors plus à même d’argumenter s’il vous est formulé un reproche que vous jugez injuste. » N’hésitez pas à affirmer votre désaccord, mais témoignez néanmoins dans votre réponse de l’écoute que vous avez eu de cette critique : « J’entends la remarque, en revanche, j’ai du mal à la comprendre car… »

6. Prenez du recul sur la critique

Lorsqu’on est en compétition, sportive ou non, on se mesure à l’autre, aux autres. On vit alors chaque étape du parcours comme un potentiel échec. Bref, on le vit personnellement. Mais, il faut aussi avoir une vision d’ensemble. Prendre du recul et évaluer la bonne stratégie à adopter. En entretien, c’est la même chose. Si l’on vit une critique comme une attaque, c’est peut-être dû à une erreur d’interprétation. « Il ne faut pas se cantonner à l’interprétation que l’on a de la critique, reprend Timéa, mais au contraire je vous invite à aller chercher une validation de cette information. N’hésitez pas à poser une question en retour à votre interlocuteur. Et voyez si sa réponse confirme que votre perception était la bonne. C’est la manière dont on va interpréter une critique qui va générer de l’agressivité. »

Prendre du recul, vous aidera à adopter une vision plus large. « Encouragez-vous à faire la distinction entre ce qui est dit dans cette critique et l’opinion que vous y mettez, propose la psychologue. Il y a l’opinion que vous prêtez à celui qui formule la critique, et il y a l’opinion que vous portez sur vous-même. Dans tous les cas, il est salvateur de faire la distinction entre la critique et soi-même. » Restez donc rationnel. Tenez-vous en au fait : ce qui a été dit et rien de plus. Non ce que vous interprétez de ce qui a été dit…

7. Partez du postulat qu’on vous veut du bien

Et si l’on vous disait que l’adversaire n’est pas toujours celui qu’on croit ? Que derrière l’image agressive que vous avez de votre interlocuteur, celui-ci vous veut du bien ? Baissez la garde, juste pour voir… « Quand on reçoit la critique, surtout au travail, insiste Timéa, il faut toujours supposer qu’il y a de bonnes intentions derrière. Il faut un peu décortiquer la critique pour arriver à ce stade-là. C’est-à-dire, passer outre l’aspect négatif qu’elle soulève. La critique peut être extrêmement constructive, puisqu’en la recevant, je peux m’améliorer. » En fait, lorsqu’elle vient d’un supérieur hiérarchique, la critique est souvent une marque de confiance. « Il vous faut prendre conscience de la confiance que vous accorde votre manager, poursuit-elle. Il a confiance dans vos capacités à vous améliorer. Cela veut dire aussi indirectement que lorsqu’il vous complimente ou soulève un point positif, il le fait de façon authentique. » Recevoir la critique de manière constructive nous aide ainsi à évaluer nos qualités professionnelles et identifier les axes d’amélioration.

« La critique peut être extrêmement constructive, puisqu’en la recevant, je peux m’améliorer » Timéa Bezulowsky, psychologue clinicienne

Ça y est ? Vous êtes redescendu du ring ? Il n’y avait pas de quoi trembler finalement… Comme pour une compétition sportive, dites-vous que tout n’est qu’une question d’entrainement et de mental. « Si malgré tous ces conseils, vous n’arrivez toujours pas à réagir de façon constructive à la critique, conclut Timéa. C’est signe que la réaction n’est pas liée à votre milieu professionnel, mais que la solution est à chercher en vous, à l’intérieur de vous. Faites un travail d’introspection et tournez-vous vers diverses solutions comme le yoga, la méditation… » Et surtout, persévérez. On ne devient pas champion du jour au lendemain. Comme le disait très justement Julien Lorcy, champion du monde de boxe anglaise : « La vie c’est comme dans la boxe, en 4 mots : avance, encaisse, esquive et progresse. »

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Photo d’illustration by WTTJ