« Mon manager n’a pas la bonne attitude face à la crise » Que faire ?

Nov 17, 2020

5 mins

« Mon manager n’a pas la bonne attitude face à la crise » Que faire ?
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Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

Malgré une première expérience en télétravail forcé pendant le confinement de ce printemps, certains managers ne parviennent toujours pas à s’adapter aux codes du travail à distance et à gérer la crise. Et malheureusement, c’est vous, salariés, qui risquez parfois de trinquer. Entre le manager un peu trop intrusif, celui qui est aussi perdu que vous, et celui qui doit gérer ses angoisses et celles des autres, comment manager votre manager pendant cette période compliquée ?

Celui qui ne fait pas confiance, aka. le control-freak

Au bureau, il avait déjà tendance à fliquer ses équipes, mais le télétravail a amplifié ses travers. Pour lui, travailler de chez soi est, une bonne excuse pour se la couler douce aux frais de l’entreprise*. Sa crainte : « on leur donne un doigt, ils nous prennent le bras* ». Depuis le début du confinement, il vous envoie des messages très directifs et se montre soupçonneux dès que vous êtes injoignable pendant plus de 15 minutes. Cela devient pesant pour vous et vos collègues.

De nombreux managers craignent que leurs équipes travaillent moins ou soient moins efficaces lorsqu’ils ont le dos tourné. Cette mentalité est particulièrement répandue en France, où la culture du présentéisme règne en maître. S’il est ingénu d’espérer transformer votre manager en quelques semaines, quelques clés peuvent vous aider à gagner sa confiance. Faites preuve d’assertivité : affirmez-vous sans être agressif, il est la première victime de son manque de confiance et cela le stresse sans doute autant que vous. Et surtout, soyez proactif. Ce type de manager redoute ce qu’il ne peut pas maîtriser, montrez-lui qu’il n’a pas de soucis à se faire et que, même à distance, vous avancez dans votre travail. Proposez-lui vous-même un planning et/ou des objectifs hebdomadaires - raisonnables et mesurables - et faites lui des points d’avancement réguliers.

Celui qui est hyper stressé

Mis à l’épreuve par un deuxième confinement, il a peur que votre équipe n’atteigne pas ses objectifs, peur que l’entreprise soit obligée de fermer, peur que ses proches soient atteints par le virus. Cela peut se traduire par un stress qui s’avère généralement communicatif et qui commence à entacher ce qu’il restait de la bonne humeur de l’équipe.

La recherche sur la contagion émotionnelle montre que les collaborateurs se tournent naturellement vers leur manager pour savoir comment réagir à un changement soudain. Dans le cas actuel, personne ne sait comment se terminera la crise sanitaire. Votre manager se sent sans doute lui-même impuissant face à la situation, car son propre manager ne peut pas le rassurer, et le manager de ce manager n’en sait pas plus non plus ! Bref, il subit et vous fait subir ce que le psychologue américain Daniel Goleman appelle un effet de “ruissellement”. Tous à vos parapluies !

Comment gérer la situation de votre côté ? Parlez. Avec lui et en réunion d’équipe, mettez des mots sur l’anxiété générale et affirmez votre confiance en vos collègues et en l’équipe. C’est parfois le petit coup de pouce de confiance qui aidera votre manager à relâcher la pression, et à ne pas porter le poids de l’équipe sur ses épaules. Vous pouvez également détendre l’atmosphère pour l’ensemble de votre équipe en proposant des interactions sociales positives. Par exemple, en débutant vos échanges quotidiens ou hebdomadaires en visio, une dizaine de minutes plus tôt pour échanger sur des événements qui ne sont pas liés au travail plutôt que d’entrer directement dans les sujets de boulot qui génèrent une tension générale.

Celui qui n’est pas très empathique

Avec le télétravail qui devient la norme, chacun doit trouver un nouveau rythme et revoir son organisation personnelle et professionnelle. Entre les mauvaises connexions Internet, l’absence d’un vrai espace de travail et la proximité des enfants qui s’amusent plus ou moins silencieusement, une journée de travail comporte des difficultés parfois inattendues ! Certains managers - qui ne sont pas forcément confrontés à ces problèmes - peuvent avoir des difficultés à comprendre la situation des membres de leur équipe.

Parce que vous n’avez pas une totale maîtrise de votre environnement, votre manager doit s’attendre à ce que ces distractions soient plus importantes. Ou que vous soyez obligé(e) de réaménager vos horaires de travail. Il faut parfois simplement exprimer ses “contraintes” et proposer des solutions. Échangez avec lui sur vos conditions de confinement et votre organisation : « le mercredi, mon mari occupe les enfants le matin et moi l’après-midi, donc je préfère les réunions sur ces créneaux » ou encore « mon voisin fait des travaux dans son appartement, j’ai besoin de savoir la veille l’heure de nos échanges afin de le prévenir pour qu’il stoppe les activités qui font le plus de bruit. »

Celui qui enchaîne les malentendus

ll s’est emporté contre vous suite à votre dernier mail dans lequel vous demandiez de la visibilité sur l’avancée d’un projet. Et ce n’est pas la première fois qu’il a des réactions que vous et vos collègues ne comprenez pas. C’est d’autant plus surprenant qu’il n’a jamais eu ce type de comportement en présentiel. Mais ce n’est pas si étonnant : la communication, c’est seulement 7% de verbal et le reste de non-verbal. Lorsque vous n’avez plus de communication en face-à-face, il peut devenir difficile de ressentir l’intention dans les échanges entre vous et votre manager.

La théorie du rasoir de Hanlon explique que l’être humain a un mécanisme de défense naturel qui le conduit à « présumer une intention négative ». Alors, le moindre message qui laisse place à l’interprétation (et ils peuvent être nombreux), peut devenir une nouvelle raison de s’offenser. Pour faciliter les échanges et éviter les malentendus, privilégiez les visioconférences aux e-mails ou appels téléphoniques, quitte à faire un point quotidien très rapide. Ou, si la culture de votre entreprise le permet, agrémentez vos e-mails et messages chats de quelques smileys. C’est simple, mais cela aidera à traduire l’intention derrière votre message.

Celui qui n’est pas assez présent

Il a presque disparu des radars. Il ne partage pas ou peu d’informations avec vous et avec l’équipe. À tel point que vous avez appris que l’entreprise allait ré-appliquer une politique de chômage partiel par un collègue d’une autre équipe. Il vous envoie bien quelques e-mails avec des tâches à effectuer de temps en temps, mais vous obtenez des feedbacks inconsistants et avez beaucoup de difficultés à comprendre ce qu’il fait (et ce que vos collègues font) si vous ne demandez pas vous-même.

Et vous n’êtes sans doute pas seul(e). Dans une étude de 2015, il apparaît que 8 des 9 plaintes les plus courantes sur les managers concernent des comportements liés à son absence : manque de feedback, de communication, de tâches claires, etc. En période de crise, tous confinés qui plus est, cette situation peut être encore plus compliquée à gérer. D’autant plus qu’il est délicat d’avoir la bonne réaction si vous ne connaissez pas les raisons de son silence. Est-ce qu’il ne sait pas suffisamment bien se servir des outils digitaux ? Est-ce que lui ou l’un de ses proches est malade ? Est-ce qu’il a simplement décidé de se la couler douce ? La première chose à faire, quand la situation devient trop pesante, est de chercher à comprendre la raison de son silence, s’il le faut, de manière détournée : « Est-ce qu’il y a un moment de la journée auquel vous êtes/tu es plus joignable pour discuter de mon projet en cours ? » ou encore « Je vais avoir besoin d’être aiguillé(e) sur telle mission, êtes-vous/es-tu plutôt disponible par e-mail, par téléphone, par visio ? ». Ses réponses sur les “modalités” de communication vous donneront sans doute des indices sur les raisons de comportement. Ensuite seulement, et si vos appels sont vains, vous pouvez le confronter aux conséquences de son absence pour le pousser à s’adapter (ou se trouver un “manager de transition”). Sans quoi, il faudra en parler aux ressources humaines - qui restent généralement disponibles, même à distance - et/ou décider de le contourner en vous organisant en autonomie avec vos collègues.

Et faute de formation au management à distance, les managers qui n’ont pas naturellement les bons codes auront toujours des difficultés à adapter leurs pratiques au “full remote”. Ce qui, à défaut d’être une excuse, est au moins une explication à leur attitude inadaptée. Mais à situation de crise, mesure de crise : c’est le moment de prendre des initiatives, quitte à remettre en cause la hiérarchie et les pratiques habituelles, afin de trouver vous-mêmes des solutions. Qui sait, c’est peut-être vous la bonne personne pour aider votre équipe à gérer ce deuxième confinement et la crise qui touche votre entreprise ?

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Photo d’illustration by WTTJ