6 types de managers toxiques... dont vous faites peut-être partie

13. 10. 2020

7 min.

6 types de managers toxiques... dont vous faites peut-être partie
autor
Joanna York

Journalist

Personne n’y échappe au cours d’une carrière. Le manager peau de vache, celui dont on se plaint auprès des copains quand on va boire un verre, qu’on cherche à éviter dans les couloirs et avec qui on ne veut surtout pas avoir de réunion. Il en existe de plusieurs sortes, avec toutefois un dénominateur commun : celui de saper le moral des salariés – et, plus ou moins directement, leur productivité. Mais, attendez un peu, et si c’était vous le boss à fuir ?

Dans sa version la plus extrême, le manager toxique présente des traits narcissiques mâtinés de psychopathie, nous dit une étude publiée par l’université de Manchester. Quand ce genre de profil est aux commandes, on constate « des brimades et du harcèlement sur le lieu de travail. Du côté des salariés, on observe des réactions contre-productives, une insatisfaction professionnelle, une certaine détresse psychologique et des épisodes de dépression. » 

Quel que soit votre titre, responsable hiérarchique, manager, boss ou directeur d’équipe, il y a de grandes chances que vous fassiez, vous aussi, des sorties routes de temps en temps. Une enquête britannique révèle en effet que 74% des salariés pensent qu’une formation en management ne serait pas de trop pour leur N+1. Mais au fait, quelle est la différence entre un manager toxique, un mauvais manager et un bon manager qui n’a pas toujours bon ? Et ça fait quoi aux employés d’avoir un boss qui entre dans l’une de ces catégories ?

1. Le micromanager

Votre job en tant que manager est de déléguer, de vous inscrire dans une vision d’ensemble et de faire monter vos collaborateurs en compétences. Ces derniers doivent, avec le temps, gagner en pouvoir de décision et autonomie (plutôt que de venir vous solliciter sur à peu près tout).

Mo Nasr a piloté une équipe de 10 ingénieurs en informatique. Il a trouvé difficile de « passer une bonne partie de la semaine à organiser le travail des autres. En tant que manager, on cale les missions de chacun, on envisage chaque projet dans sa globalité. » Manager plutôt que de mettre à profit ses propres compétences d’ingénieur lui a fait l’effet d’une vaste perte de temps. « J’avais le sentiment d’être moins utile à ce poste où je n’avais plus les mains dans le cambouis. »

Mettre un peu trop souvent le nez dans les dossiers que vous avez confiés à vos N-1 peut laisser croire que vous ne leur faites pas confiance. Personne n’aime qu’on soit en permanence derrière son dos. Le micromanagement (à savoir l’art, subtil ou non, de jouer au « petit chef ») a plutôt la fâcheuse tendance à irriter ses collaborateurs.

Mo Nasr, pas très enclin à pousser l’aventure plus loin et envisageant sa carrière autrement, a décidé de renoncer à son poste de manager. Pour les autres, le micromanagement n’est pas une fatalité. Dans un article pour la Harvard Business School, l’Américaine Lauren Landry, propose trois réflexes-clés pour apprendre à se retirer un peu de la scène : déléguer, être clair sur ses attentes et lâcher du lest sur son idéal de perfection. Ce qui, bien entendu, est plus simple lorsqu’on a pu s’entourer des bonnes personnes dès le départ.

2. Le coach bancal

Pour Daniel Goleman, expert en management, le coach est celui qui offre aux salariés une vraie latitude dans la manière dont ils vont choisir de résoudre les problèmes. Cela présuppose néanmoins qu’ils possèdent un bagage professionnel suffisant pour le faire. C’est d’ailleurs là l’une des missions qui incombent aux managers : révéler ces aptitudes chez leurs collaborateurs. Un bon coaching doit permettre, à terme, une vraie progression des équipes.

Mais adopter une posture de coach peut être usant et frustrant quand les conditions ne sont pas réunies. Pour Sacha Carline, manager, c’est un sacré défi : « Il n’y a rien de pire pour un manager que d’avoir sous sa responsabilité quelqu’un qui ne fait pas l’affaire et qu’on n’arrive pas à tirer vers le haut, même avec la meilleure volonté du monde. » Il se souvient du jour où il a dû licencier un salarié qui ne répondait pas aux attentes – et qu’il ne parvenait pas à accompagner vers du mieux. Une forte source de tension pour lui, même une fois sorti du bureau. « Quand le stress me tombe dessus au travail, je suis incapable de le mettre au placard en arrivant chez moi. Surtout quand il y a de l’humain dans l’histoire. »

Gagner ses galons de coach implique de faire largement appel à son intelligence émotionnelle. C’est ainsi que l’on fait advenir le meilleur chez ses collaborateurs. Aux managers désireux d’affûter leurs compétences en matière de coaching d’équipe, Daniel Goleman conseille de commencer par… se coacher soi-même. Comment ? Cela peut passer par exemple par l’introspection, la méditation, l’autocritique constructive ou encore l’écriture d’un journal personnel. 

3. Le manager “trop sympa”

Au travail, Alex Bridges, qui a monté une plateforme d’e-commerce, avançait selon un principe simple : « Je mettais un point d’honneur à me comporter avec mes collaborateurs comme j’aurais eu envie qu’on se comporte avec moi. »

Mauvaise idée : sa posture de manager « gentil » n’a pas produit l’effet escompté. Un peu trop au fait de la vie perso de ses collaborateurs, il s’est retrouvé à être moins regardant sur qui prenait ses congés et quand. Avec un double effet boomerang : devoir assurer l’intérim en l’absence de son équipe et « passer pour un incapable auprès des autres managers. » En prime, le sentiment d’avoir été un peu trop sympa auprès de salariés peu scrupuleux.

Pour lui, la solution est passée par davantage d’assertivité. Certes, son image de boss est moins rose qu’avant, mais pour la bonne cause. « Aujourd’hui, je vois clairement pourquoi je dois me montrer plus ferme. Les dossiers doivent avancer. Parce que si la production ne sort pas, les salaires non plus. »

Autre spécialiste de la question, Henry Mintzberg rappelle les règles de base de la bonne communication pour un manager :

  • Communication interpersonnelle : le manager doit transmettre les informations et faire passer ses idées en tant que figure d’autorité et leader. Il fait aussi le lien avec l’entreprise dans sa globalité.
  • Communication informelle : le manager traite les données qu’il reçoit de ses collaborateurs, veille à la diffusion des informations nécessaires au bon déroulement des projets et parle au nom de son équipe/de l’entreprise.
  • Communication décisionnelle : le manager utilise les informations qu’il a recueillies pour répondre à certaines problématiques, faire naître et mettre en œuvre de nouvelles idées, allouer les ressources idoines et négocier.

4. Le meneur qui manque d’empathie

Quand on est manager, il est difficile de faire l’impasse sur les objectifs qu’on doit donner à son équipe. Comment sinon jauger les progrès, pointer les réussites ? Mais attention, des objectifs mal calibrés peuvent être source de frustration ou de démotivation.

Brad Fowler, qui a développé une forte expertise en matière de RH, a peiné quand il a fallu fixer des objectifs réalistes à ses collaborateurs. « J’ai de très bons profils dans mon équipe, mais leurs taux de conversion demeurent 3 à 4 % en deçà des miens. Je les accompagne, les conseille et les encourage, mais le fossé ne se comble pas aussi vite que je le voudrais. Et au début, il m’était vraiment difficile de comprendre pourquoi… »

Avec le temps, il a fini par mettre le doigt sur ce qui n’allait pas : pour que l’équipe reste mobilisée et productive, il a dû revoir ses processus d’évaluation performance. Plutôt que de comparer les résultats de ses collaborateurs aux siens, il a favorisé une saine émulation entre eux. « J’ai pris soin de mettre en compétition des profils de même niveau. L’idée est de faire grimper doucement la performance sans mettre la barre trop haut non plus. »

Il s’est aussi évertué à faire plus souvent preuve de patience. « Je préfère des collaborateurs engagés et motivés à leur niveau de compétences plutôt que de les pousser dans leurs retranchements et risquer de les faire craquer, avec à la clé des résultats plus bas encore ou, pire, des démissions. »

5. Le petit nouveau qui sait tout, sur tout

Alana Marsh n’a pas encore 30 ans mais est déjà cadre dans le médical. Nommée à la tête d’une équipe, elle s’est retrouvée face à des collaborateurs de deux fois son âge, et autant d’expérience en plus. « Sur l’organigramme, c’était moi la responsable hiérarchique. Dans les faits, j’étais loin d’être la plus chevronnée. »

Un état de fait qui l’a incitée à repenser son approche managériale, quand d’autres auraient essayé de se s’imposer par la force. « Je ne me voyais pas du tout débarquer avec un grand sourire et leur dire ce qu’ils devaient faire, explique-t-elle. Il fallait que me mette dans une posture collaborative avec des gens qui, sur le papier, étaient bien plus au fait que moi sur notre métier. » 

Propulsée à ce nouveau poste, Alana Marsh a décidé de reconnaître et valoriser les forces au sein de son équipe, mais aussi les siennes en tant que manageuse. Une approche constructive qui a débouché sur « un vrai travail d’équipe. J’ai complètement respecté leur expérience, leur sagesse même. Et je crois qu’en retour ils ont accepté de me voir à ce poste, avec ses responsabilités et obligations. Nous avons fait de notre mieux pour avancer main dans la main. »

6. Le workaholic

Il n’y a pas de bon manager (ni, par conséquent, d’équipe heureuse et productive) sans solides compétences interpersonnelles. Dans une étude réalisée par Mind, une association britannique active dans le domaine de la santé psychique, 60% des salariés déclarent qu’ils se sentiraient davantage motivés au travail si leur employeur se montrait plus engagé en faveur de leur bien-être mental.

Il y a peu, Stephan Howel s’est demandé s’il faisait preuve de suffisamment d’empathie à l’égard de ses 11 collaborateurs. « Si un dossier arrive sur mon bureau ou si j’ai une question, je me tourne vers le ou les intéressés, peu importe l’heure ou le jour de la semaine, week-end compris. J’aime que le boulot soit fait, admet-il. Mais eux, comment se sentent-ils vis-à-vis de ça ? Y a-t-il une sorte d’omerta sur le sujet entre eux et moi ? »

Stephan Howel avoue hésiter à aborder frontalement la question avec son équipe. « Je ne suis pas sûr d’être d’attaque. Je me suis toujours vu comme un boss plutôt réglo. Et si j’apprenais qu’en réalité ils trouvent que j’abuse régulièrement ? Vous imaginez ? » 

Pour éviter de faire peser votre workaholisme sur votre équipe, Mind suggère de commencer par instaurer une certaine culture de l’ouverture, en abordant notamment la question des conditions de travail. Plus facile à dire qu’à faire ? On vous l’accorde, mais l’asso britannique assure que cela permet d’« ouvrir le dialogue, d’inciter une posture et des comportements plus positifs » au bureau – tant que cela reste un vrai échange, pas un monologue de votre part.

Autre point à garder en ligne de mire : favoriser un bon équilibre vie pro-vie perso chez vos collaborateurs et imaginer comment favoriser la solidarité et la bonne entente au sein de votre équipe. Tout cela sur fond de formation, d’apprentissage permanent et de montée en compétences. 

Pour corriger vos défauts, identifiez-les

Dans une étude, les chercheurs de l’université de Manchester expliquent que les managers réellement toxiques sont adeptes de diverses formes de harcèlement : « se servir des autres, se faire mousser à leur place, critiquer au-delà du raisonnable et généralement faire preuve d’agressivité » est comme une seconde nature chez eux.

À l’inverse, Daniel Goleman rappelle que les bons managers ont de réelles compétences humaines. Parmi elles, citons l’empathie, la capacité à forger des relations et motiver, ainsi qu’une bonne connaissance d’eux-mêmes.

Vous avez des doutes ? Vous ne sauriez pas dire si vous êtes un boss toxique ou non ? Le simple fait de vous poser la question laisse penser vous ne faites pas sciemment vivre un enfer à vos collaborateurs. Il est plus probable que vous ayez quelques points faibles en management. Rien d’étonnant quand on sait qu’un manager sur quatre est promu sans avoir reçu la moindre formation.

Plutôt que de chercher à savoir si vous faites partie des personnes toxiques, posez-vous la question autrement : que pourriez-vous améliorer dans votre posture de manager ?

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Photo d’illustration by WTTJ

Traduit de l’anglais par Sophie Lecoq

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