Quel est l'impact environnemental de notre consommation digitale ?

18. 7. 2019

8 min.

Quel est l'impact environnemental de notre consommation digitale ?

Elle n’a ni odeur ni couleur, mais c’est une pollution qui existe bel et bien : la pollution numérique. Bien qu’invisible, le secteur numérique a un impact carbone phénoménal. S’il était un pays, il représenterait le troisième consommateur d’énergie de la planète ! Alors, comment le numérique pollue-t-il ? Et surtout, comment limiter son impact environnemental numérique ? Quelles sont les pistes pour être plus green derrière son (ses) écran(s) au travail et ailleurs ?

Quelle pollution générée par le numérique ?

Le secteur numérique génère plusieurs types de pollution. D’abord, la pollution engendrée par la production d’équipements informatiques. Produire un ordinateur nécessite 22 kg de produits chimiques, 240 kg de combustibles et 1,5 tonnes d’eau, selon une étude réalisée par WWF en 2018. En fin de vie aussi, ce secteur est loin d’être exemplaire puisque entre 70 et 90 % des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) ne suivent pas les filières de recyclage réglementées au niveau international, selon cette même étude.

De plus, il existe un autre type de pollution que celle générée par la fabrication des équipements : celle générée par notre usage quotidien du numérique. En effet, notre consommation d’Internet en un an est responsable de l’émission de 2 % des gaz à effet de serre, soit autant que les transports aériens mondiaux sur la même période ! Le problème est encore assez peu connu : d’après une enquête du cabinet d’études et de conseil Occurrence, seulement 27 % des Français connaissent la notion d’“écologie digitale”.

La production des équipements informatiques

Laptop, smartphone, tablette, nous sommes de plus en plus équipés. Mais qu’est ce qui pose réellement problème lors de la conception des équipements informatiques ? Nos outils préférés sont composées de matières premières rares et de métaux précieux dont on épuise peu à peu les réserves. L’extraction de ces matériaux s’accompagne d’une pollution des écosystèmes, notamment à travers la dispersion de produits toxiques dans la nature qui engendre une perte de la biodiversité…

De plus, toutes ces petites machines sont de grandes consommatrices d’énergie ! Et cette consommation augmente avec la complexification et l’accroissement des fonctionnalités. Les batteries développées ont beau être de plus en plus puissantes, elles s’épuisent tout aussi vite, car nous utilisons de plus en plus d’applications et de logiciels et que ces derniers sont toujours plus gourmands en énergie ! Et comme nous changeons régulièrement d’appareil pour rester à la page, il se pose un troisième problème, celui de la création de déchets toxiques. Que faire de nos anciens équipements électroniques quand ils ne sont plus en service ? Très peu sont recyclés, pourtant, ils portent en eux des composantes rares mais aussi toxiques. Leur recyclage même, qui reste assez sporadique, est énergivore !

Difficile, à notre échelle, d’agir sur ces facteurs de pollution. Si nous voulons minimiser l’impact environnemental des équipements informatiques, il nous faudrait surtout acheter moins et garder nos appareils plus longtemps. Revoir la manière dont nous choisissons nos équipements informatiques et nos services numériques pourra nous permettre de réduire drastiquement notre impact écologique pour mettre en oeuvre un numérique toujours plus responsable.

L’échange des données digitales

L’autre problème environnemental lié à notre consommation digitale est l’énergie nécessaire à nos échanges de données, ainsi qu’à leur stockage dans d’énormes data centers. Car non, nos données ne sont pas stockées dans les nuages ! Parfois de la taille d’un terrain de football, ces data centers extrêmement énergivores contiennent des milliers d’ordinateurs connectés à Internet, qui tournent 24 heures sur 24. Ils permettent de stocker et délivrer des données (e-mails, vidéos, documents) à tout moment. Ces équipements nécessitent donc une alimentation électrique mais aussi un système de refroidissement adéquat. Les données que l’on consulte ou que l’on s’échange à longueur de journée, via email, WhatsApp, Messenger, etc. nécessitent donc beaucoup d’énergie pour leur transfert.

La prise de conscience a débuté en 2011, lorsque l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a publié une étude qui révélait l’impact carbone de l’envoi d’un e-mail, mais également celui de son stockage. Si l’envoi d’un e-mail ne représente qu’un clic pour l’émetteur, il s’agit en fait d’un transfert énergivore : le message passe par les câbles du fournisseur d’accès à Internet de l’émetteur avant d’arriver à son data center et de transiter vers le data center du destinataire. Envoyer 33 e-mails de 1 Mo à deux destinataires par jour produirait 180 kg de CO2 par an, soit l’équivalent de 1 000 km parcourus en voiture. Lorsque l’on sait que 293 milliards d’e-mails sont échangés chaque année dans le monde et que 80 % des e-mails ne sont jamais ouverts… On vous laisse faire le calcul ! Et inutile de préciser que plus l’e-mail est lourd - contenu photo, vidéo - plus l’impact est fort !

S’il a parfois été montré du doigt en premier, l’e-mail est loin d’être le seul coupable de l’émission de CO2. Tous nos échanges de données peuvent être questionnés :

  • Regarder une vidéo en streaming sur son téléphone en 4G consomme 23 fois plus d’énergie qu’en wi-fi, car le réseau mobile sollicite des antennes relais.
  • Toute requête effectuée sur un moteur de recherche parcourt des milliers de kilomètres de câbles. Multiplier le nombre d’onglets ouverts consomme aussi de l’énergie car toute page web ouverte crée des “appels serveur” réguliers.

Enfin, pour les amateurs de cryptomonnaie, sachez que la production de bitcoin est extrêmement énergivore et qu’une transaction équivaut en moyenne à la consommation en électricité d’un ménage français pendant deux semaines… Les pollutions liées à ces échanges sont principalement dues à l’électricité nécessaire pour produire et gérer tous ces flux. Cela peut paraître vertigineux, à une époque où l’on sait que le nombre de personnes qui communiquent via Internet est en constante augmentation chaque jour, notamment avec l’essor des pays du sud. Cependant, le problème pourrait être géré sur le long terme si l’on change nos sources d’énergies pour des solutions plus renouvelables et plus vertes.

Quelques bons élèves

La pollution numérique a donc un réel impact, et les entreprises commencent à se saisir du problème. Selon l’étude de WWF, Pôle emploi a convaincu 40 % de ses collaborateurs d’éteindre leur ordinateur les soirs et week-ends, réalisant par la même occasion une économie de 1,5 million d’euros. De même, le groupe Solocal, qui gère le site pagesjaunes.fr, a réduit de 15 % ses ressources informatiques pour délivrer le même service. Cette démarche d’écoconception a permis entre 2014 et 2015 de réduire l’empreinte environnementale du site de 720 tonnes de CO2 (soit 6 millions de kilomètres parcourus en voiture !) et de 18 000 m3 d’eau (l’équivalent de 2 millions de packs de six bouteilles).

Du côté de la Silicon Valley, les GAFA se sont engagés à utiliser des énergies 100 % renouvelables pour alimenter leurs serveurs, c’est-à-dire des énergies issues de panneaux solaires, d’éoliennes ou de barrages hydroélectriques. Google et Apple ont déclaré s’approvisionner exclusivement à l’aide de ces énergies. Facebook devrait atteindre son objectif d’ici 2020, et Amazon déclare en être à la moitié du chemin.

Autre exemple positif plus proche de chez nous : la piscine de la Butte-aux-Cailles, à Paris, entièrement chauffée grâce à la chaleur de plusieurs serveurs ! Installées par la start-up Stimergy, les six chaudières numériques permettent d’économiser 45 tonnes de rejet de CO2 pour le chauffage de l’eau, mais aussi 20 tonnes qui auraient dues être émises pour climatiser les serveurs informatiques.

Mauvais score en revanche pour Netflix qui, selon le site Clickclean créé par Greenpeace pour évaluer les géants du web, obtient une mauvaise note en raison de son approvisionnement en énergies fossiles (30 % de son énergie provient du charbon, 26 % du nucléaire et seulement 17 % d’énergies propres).

Que faire à son niveau ?

Alors, bien sûr, il n’est pas question de nier les énormes avancées que nous a apporté la technologie pour revenir au tout-papier, cependant, vous pouvez limiter votre empreinte digitale grâce à plusieurs gestes simples qui auront un impact sur votre émission de CO2.

1. Allongez la durée de vie de vos équipements, smartphone, tablettes, etc.

  • Luttez contre l’obsolescence programmée, en privilégiant les équipements les plus durables, qui sont solides, réparables et vous tiendrons longtemps.
  • Faites réparer vos appareils, et lorsqu’ils vous lâchent, pensez à vous tourner vers les organismes revalorisant le matériel sortant, en les revendant s’ils fonctionnent encore (Fnac Reprise, Darty, Back Market, Magic Recyle), ou en les donnant pour être recyclés (Emmaüs, Les Ateliers du Bocage, etc.)
  • Osez acheter du matériel d’occasion ou reconditionné (Back Market, Fairphone, etc.).

2. Réduisez vos transferts de données et préférer toujours le réseau local à la 4G

  • Réduisez au maximum le transfert de données, notamment la vidéo et la photo via WhatsApp, Messenger, etc. lorsque ce n’est pas en local (wifi, ethernet).
  • Utilisez une clé USB pour les transferts de fichiers entre amis ou entre collègues.
  • Pensez à regardez vos séries en basse définition ! En streaming, le fait de regarder un film en basse définition permet de consommer quatre à dix fois moins d’énergie qu’un visionnage du même fichier en haute définition.
  • Lorsque vous devez envoyer des pièces jointes, préférez un lien de téléchargement vers un site (WeTransfer, par exemple) plutôt qu’un transfert de fichier lourd. Le fichier sera stocké sur les dix serveurs de messagerie alors qu’avec un lien il sera uniquement stocké sur le serveur qui l’héberge.
  • Revoyez à la baisse votre consommation de contenus photo et vidéo lorsque vous êtes nomade, nul besoin de consulter vos applications tout le temps, surtout si vous essayez de capter la 4G dans le TGV à 320km/h !

3. Gérez vos e-mails de manière plus efficace

  • Réduisez au maximum les messages inutiles, notamment ceux destinés à vos collègues : privilégiez les contacts directs l’humain dans la mesure du possible, et réfléchissez bien aux destinataires en copie.
  • Utilisez une messagerie d’entreprise comme Slack, moins énergivore que les e-mails.
  • Compressez vos fichiers si vous les envoyez par e-mail.
  • Utilisez un logiciel antispam, et videz régulièrement votre corbeille et votre dossier de spams.
  • Désinscrivez-vous des newsletters que vous ne lisez plus grâce à Cleanfox.
  • Stop à la lecture en continu de vos e-mails ! Programmez-vous deux ou trois moments dans la journée pour les lire et y répondre. En plus d’agir pour la planète, vous gagnerez en sérénité et en efficacité car vous serez moins interrompu. Cleanfox analyse d’ailleurs qu’il faudrait 64 secondes pour se reconcentrer après l’ouverture d’un message !

4. Utilisez mieux votre navigateur web

  • Utilisez des moteurs de recherche responsables comme Lilo ou Ecosia pour réduire votre empreinte carbone.
  • Ciblez mieux vos recherches. Un mot-clé précis représenterait 40 km parcourus en voiture économisés selon l’Ademe !
  • Tapez directement dans la barre d’adresse plutôt que dans celle du moteur de recherche pour retrouver une page déjà consultée. L’historique vous y mènera en évitant des allers-retours dans les data centers.
  • Utilisez les favoris pour ne pas devoir faire une nouvelle recherche identique sur le moteur de recherche.
  • Pensez à fermer régulièrement les onglets que vous n’utilisez pas.

5. Mettez en veille ou éteignez nos appareils

  • Lorsque vous quittez le bureau, pensez à éteindre votre ordinateur.
  • Chez vous, lorsque vous n’êtes pas là, vous pouvez éteindre votre box et les autres appareils électroniques connectés qui consomment inutilement de l’énergie.

6. De manière générale, déconnectez-vous plus souvent possible

  • Déconnectez-vous au maximum si votre métier vous le permet ! Inutile d’être connecté toute la journée sur Google Actualités ou les réseaux sociaux, par exemple.
  • Désactivez les notifications sur votre téléphone.
  • Supprimez les applications non utilisées avec l’outil Space, sur Android et iOS.
  • Supprimez vos vieux Skyblog oubliés ou vos vidéos sur YouTube : stockés sur des serveurs, ils “polluent pour rien” et pourraient bien vous rattraper un jour…
  • Coupez votre téléphone la nuit pour économiser sa batterie, vous n’en dormirez que mieux !
  • Parfois… imprimez ! Cela semble fou, pourtant l’Ademe indique que pour les documents de plus de quatre pages, qui prendraient plus de 15 minutes à lire, il serait préférable de les imprimer (en noir et blanc, recto verso et deux pages par face) plutôt que de les lire devant son écran.

Aujourd’hui, la moitié de l’humanité est connectée, et le chiffre progresse de plus en plus. Encore floue et peu connue, l’écologie numérique est donc un vrai sujet dont il est important que l’on empare tous, particuliers comme entreprises.

Limiter la consommation d’énergie liée à notre utilisation numérique, choisir des énergies vertes et prendre soin du matériel informatique pour réduire sa production et ses déchets à long terme, sont autant de pas vers une utilisation responsable du numérique.

C’est bien joli tout ça, mais qu’en est-il de cet article qui va lui-même être stocké sur un serveur à plusieurs centaines ou milliers de kilomètres de vous ? Et bien, on espère que son empreinte carbone sera compensée par les bonnes actions qu’il vous aura donné envie de faire après l’avoir consulté ! Car si le digital pollue, il est aussi une belle opportunité d’éveiller les consciences et de trouver de nouvelles solutions pour accélérer la transition écologique !

À regarder : How to be green at work

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Photo by WTTJ

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