Rétention d'informations : 5 raisons pour lesquelles votre boîte ne vous dit pas tout

08. 1. 2020

7 min.

Rétention d'informations : 5 raisons pour lesquelles votre boîte ne vous dit pas tout
autor
Cécile Pichon

Psychologue du travail, coach et consultante RH

Vous avez le sentiment qu’on ne vous dit pas tout… ou même qu’on vous cache quelque chose ? Un certain nombre d’informations ne vous semblent pas accessibles au sein de votre entreprise et cette opacité alimente les suppositions hasardeuses et les bruits de couloir… ?

Mais quelles peuvent être les raisons qui poussent les entreprises à garder certaines informations secrètes aux yeux du public, mais aussi parfois auprès de leurs propres salariés ? Et quels pourraient être les risques pour ces mêmes entreprises si ces données étaient divulguées ? Nous vous aidons à mieux comprendre les motifs qui incitent les entreprises à ne pas tout vous dire, tout en vous proposant des solutions pour y voir plus clair si vous êtes confrontés à de la rétention d’information…

Les raisons qui poussent les entreprises au secret sont multiples…

La question que se posent de nombreuses entreprises est la suivante : toute vérité est-elle bonne à dire ? Apparement non, puisqu’on constate que sur de nombreux sujets, les entreprises préfèrent garder leur jardin secret… Mais pourquoi avoir des choses à cacher ? Et quels sont les sujets qui sont généralement tabous ? Chiffre d’affaires, grilles des salaires, projets de développement, nouveaux produits, tournants stratégiques… Les terrains sensibles sont nombreux, et les entreprises essayent avant tout de se protéger mais aussi, parfois, de protéger leurs salariés !

1. Protéger ses produits et son savoir-faire de la concurrence

De nombreuses entreprises doivent protéger leurs avancées stratégiques et technologiques de la concurrence, pour garder le monopole sur une innovation, par exemple, ou préserver un secret de fabrication qui leur permet de dominer le marché. Pour cela, elles tiennent parfois souterraines leurs recherches, même auprès d’une partie de leurs collaborateurs. Une politique qui peut vous sembler un peu précautionneuse, voire exagérée, mais qui s’avère souvent nécessaire. Si la plupart du temps, la divulgation d’informations confidentielles des entreprises est le fruit de l’inadvertance des collaborateurs - sans intention de nuire - l’espionnage industriel existe aussi ! La protection des secrets de fabrication est assez courante au sein des entreprises qui possèdent un savoir-faire pointu… et qui veulent garder cet avantage concurrentiel.

Exemple : Une grande entreprise de l’industrie développe un nouveau logiciel ou un nouveau produit ultra innovant : le projet reste caché et confié à une équipe restreinte pour éviter d’être divulgué à la concurrence avant même d’être finalisé.

2. Protéger ses données pour des raisons de politique commerciale

De même que certaines entreprises n’ont pas envie de divulguer leurs secrets de fabrication, d’autres cherchent à garder le silence sur leur stratégie commerciale face à leurs clients… Avancement du développement produit, nombre de clients, tarifs appliqués ou revirements stratégiques, sont autant de révélations qui pourraient affaiblir l’entreprise dans ses négociations commerciales… Et donner à la concurrence autant d’armes pour gagner des parts de marché !

Exemple : Malgré l’obligation légale de publication annuelle des comptes de résultat des entreprises, certaines structures rechignent parfois à de telles publications, de peur de se mettre à nu aux yeux du grand public et d’en dire un peu trop à leurs clients et leurs concurrents sur leur santé interne… Elles doivent donc payer des pénalités et amendes.

3. Renforcer et défendre sa stratégie financière

Les clients et concurrents ne sont pas les seuls à s’intéresser à ce qui se passe au sein des entreprises. Investisseurs, actionnaires et acheteurs potentiels peuvent aussi être à l’affût d’informations concernant l’entreprise et sa santé financière. On peut comprendre alors que l’entreprise juge nécessaire de garder le secret sur les éventuels tressauts qu’elle vit.

Exemple : Imaginez une entreprise est en phase de rachat. Elle peut être tentée de montrer l’image la plus lisse et la plus positive possible pour booster sa valorisation ! Équipes au top, produits solides, comptes au carré sont autant d’atouts qui l’aideront dans ce moment. Les salariés peuvent être tenus à l’écart de ce qui se mijote, non seulement pour ne pas les inquiéter inutilement, mais aussi pour ne pas biaiser la transaction.

4. Préserver son image et sa crédibilité aux yeux du public

Qu’il y ait un différend au sein de la direction, des difficultés économiques ou des remous au sein des équipes, cela arrive à presque toutes les entreprises et ce n’est pas nécessairement grave. Lors de ces phases complexes, la direction peut être tentée de retarder le moment où elle communique à ce sujet et attendre que la situation s’éclaircisse pour éviter d’entacher l’image de l’entreprise à l’extérieur, et de perdre la confiance des équipes en interne.

Exemple : Deux associés d’une entreprise ont un différend sur la vision stratégique de l’entreprise. Ils décident de se séparer. La plupart du temps, c’est seulement une fois la rupture organisée que les équipes et les actionnaires sont réellement informés de ce changement à la direction, afin d’éviter auw employés de stresser ou d’avoir à prendre parti.

5. Garder secrètes des informations délicates et confidentielles : la vérité n’est pas toujours belle à voir…

Parfois aussi, si les entreprises communiquent mal sur ce qu’elles traversent, c’est parce qu’elles ne savent pas comment amener les sujets délicats sur la table, notamment lors de conflits internes, de licenciements, de mesures disciplinaires… Dans ces moments-là, l’entreprise utilise souvent le non-dit comme moyen de ne pas laver son linge sale en public

Exemple : un salarié souhaite quitter son entreprise, ou l’entreprise souhaite lui proposer de partir, mais ils ne s’entendent pas sur les conditions de départ. Ils font appel à des avocats pour négocier sur ce sujet sensible, qui se solde parfois par une transaction (un accord entre les parties pour mettre fin au conflit, ndlr) Dans ces situations, les parties s’engagent souvent mutuellement à ne pas dire du mal l’une de l’autre pour préserver l’image du salarié, mais aussi celle de l’entreprise… ce qui de fait, verrouille bien des fois une communication vraiment transparente sur les tenants et aboutissants du départ !

On le comprend bien, les raisons de ne pas tout dire au sein des entreprises sont nombreuses et variées, et parfois tout à fait légitimes. Il est bon de garder en tête cependant que ces situations, tenues souvent sous silence, provoquent parfois de réels malaises dans les équipes, faute d’une communication de qualité !

Trop de rétention d’information tue la rétention d’information

Vous l’avez bien vu, c’est surtout pour se protéger que les entreprises gardent leurs petits secrets… Cependant, la rétention d’information n’est pas sans risque pour les entreprises, et ce, à plusieurs niveaux :

  • Tous ces silences créent de la méfiance. Au boulot, comme dans la vie perso, ce n’est jamais agréable de ressentir que quelque chose “ne nous regarde pas”… Les secrets et non-dits peuvent développer des frustrations. Qui aime avoir le sentiment de n’être pas assez important ou assez digne de confiance pour être mis au courant de certains sujets ? Au travail, on a tous besoin de se sentir impliqué. D’ailleurs, le fait pour une entreprise de partager sa vision et ses projets avec les employés est un excellent levier d’engagement et d’implication des équipes.

  • Les défauts de communication décrédibilisent les entreprises. En effet, si les entreprises aiment souvent mettre en avant les succès et les victoires, comme la croissance, les levées de fonds, les ventes spectaculaires ou les ouvertures de nouveaux bureaux, elles peinent souvent à communiquer sur les sujets qui fâchent… L’absence de communication autour de ces sujets plus négatifs peut créer un sentiment d’incohérence chez les salariés qui ressentent un écart entre les valeurs prônées par l’entreprise et les bruits de couloirs… Alors, mieux vaut apprendre à communiquer sur les sujets sensibles !

Comment réagir quand vous sentez que l’on ne vous dit pas tout ?

Vous n’aimez pas les bruits de couloir et vous souhaitez être fixé sur ce qui se passe au sein de votre entreprise ? Pourquoi ne pas chercher à obtenir des informations précises pour faire la part des choses dans le flou qui vous entoure ? Oui, mais pas n’importe comment !

  • Posez des questions : oui, mais pas trop ! Si vous sentez que des choses se passent au sein de votre entreprise sans que vous en soyez informé directement, vous avez tout de même le droit de poser des questions. Le sujet vous concerne peut-être de près ou de loin. Interroger la direction est un moyen de montrer que vous êtes impliqué et sensible aux événements. Cependant, il est bon de garder en tête que la personne en face n’est pas tenue de vous répondre. Choisissez avec soin l’interlocuteur auquel vous vous adressez et évitez les questions trop frontales. Vous pouvez, par exemple, interroger en priorité votre manager le plus proche, en lui expliquant que vous avez l’impression que quelque chose se trame et que vous ne voudriez pas vous faire des films. Aussi, quelques informations de sa part pourraient vous éviter de partir sur une fausse piste.

  • Sachez-vous arrêtez avant la limite : en étant trop insistant ou trop direct pour obtenir des informations, le risque est de braquer la personne en face de vous, qui pourrait risquer de botter en touche et de vous répondre par un mensonge, ce qui serait dommage ! Veillez plutôt à rester discret et compréhensif si la personne que vous interrogez était dans l’impossibilité de vous divulguer les informations cachées.

  • Faites la différence entre la vérité partielle et le mensonge : si on ne vous dit pas tout, on ne vous ment pas forcément pour autant… Il est important de bien faire la différence !

  • Mettez-vous à la place de votre boss, et du boss de votre boss… et ainsi de suite : cela vous permettra de mieux accepter la rétention d’information. En effet, comment annonceriez vous un départ, un changement de stratégie ou un rachat si vous étiez vous-même le patron ? Peut-être serez-vous aussi un jour amené à dire à quelqu’un : « Je ne peux pas t’en parler pour des raisons de confidentialité » Pas si facile…

  • Quoi qu’il en soit, ne le prenez pas personnellement. Ce n’est pas parce que votre manager ne peut pas tout vous dire qu’il vous en veut personnellement ! Il a parfois reçu des consignes de la direction et vous n’avez rien à voir avec tout cela ! Alors avant de vous sentir attaqué, remettez les choses dans leur contexte, tout cela n’a sûrement rien à voir avec vous !

On aurait envie de tout savoir, mais il semblerait que, parfois, pour se préserver, les entreprises soient obligées de soigner leur communication et de l’adapter en fonction des publics et des circonstances. Si la rétention d’information reste fréquente dans l’univers professionnel, on remarque qu’en parallèle, les entreprises sont de plus en plus soumises à des injonctions de transparence. Le monde du travail évolue vers un système moins pyramidale qui réclame une meilleur répartition de l’information au sein des organisations. La transparence devient un élément clé de la confiance et de l’engagement des salariés, au point que certaines entreprises s’aventurent à de grands défis, tels que la transparence des salaires. Une démarche exigeante, qui nécessite d’être irréprochable… Alors, la transparence, utopie ou réalité pour le futur du monde du travail ?

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Photo d’illustration by WTTJ

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