Le métier de booker, trait d’union entre les musiciens et la scène

06. 1. 2020

5 min.

Le métier de booker, trait d’union entre les musiciens et la scène
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Thomas Decamps

Photographe chez Welcome to the Jungle

Jimmy Kinast travaille depuis 21 ans chez 3C (3ctour.com) une société de production. Le métier de ce fidèle collaborateur et amoureux de musique ? Booker, une profession qu’il exerce avec enthousiasme et envie à Bordeaux. Parmi les artistes qu’il accompagne, et pour n’en citer que quelques uns, il y a Catastrophe, Renan Luce et le groupe de rock berlinois Kadavar.

Attention, la profession de booker n’est pas à confondre avec celle du tour manager, qui embarque avec les artistes sur les tournées, ou du régisseur, qui fait preuve de compétences techniques spécifiques. Alors, en quoi consiste son métier ? Nous l’avons rencontré en plein travail salle Pleyel, à Paris. Il nous a raconté son métier et ses missions, s’est confié sur ce qui l’anime au quotidien et nous a transmis quelques conseils pour exercer au mieux le métier de booker.

Comment es-tu devenu booker ?

Un peu par hasard ! J’ai fait des études de géographie, à Bordeaux, car je voulais être professeur des écoles. À ce moment-là, je jouais dans un groupe de musique. J’étais - et je suis toujours - passionné par le rock indé, appelé “noisy pop” à l’époque. Petit à petit, à force de jouer, j’ai commencé à organiser des concerts. Je cherchais des dates pour mon groupe mais aussi pour des artistes que je connaissais. Cela s’est fait naturellement. Puis on est venu me chercher, sans doute parce que je commençais à avoir un peu d’expérience, et un bon carnet d’adresses ! Je suis aujourd’hui chez 3C (3ctour.com) une société de production qui soutient des artistes de styles musicaux variés et qui compte aujourd’hui une dizaine de salariés avec à sa tête Christophe Bosq.

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En quoi consiste le métier de booker ?

Mon objectif est de trouver des dates de concert pour les artistes de notre catalogue. Nous les plaçons par exemple en première partie d’artistes confirmés, dans des festivals… Je dois donc d’abord faire découvrir mon catalogue aux programmateurs. Nous vendons ensuite le groupe ou l’artiste clé en main avec un contrat de cession. Dans mon cas, puisque je suis booker dans une boîte de production, ça nous arrive aussi très souvent de produire un concert ou une tournée de A à Z.

Mon objectif est de trouver des dates de concert pour les artistes de notre catalogue.

Plus précisément, quelles sont tes missions au quotidien ?

Pour démarcher ou informer les salles, festivals ou programmateurs, je fais beaucoup de mailing sur les artistes. Dès qu’un artiste a une actualité, un nouvel album, une nouvelle tournée ou un article de presse qui le mentionne, nous envoyons un mail ciblé aux personnes que cela pourrait intéresser. Je téléphone aussi beaucoup pour valoriser les projets des artistes et relancer mes interlocuteurs, les managers des artistes et les tour managers.

Ensuite, je m’occupe des contrats et de l’aspect financier des partenariats. Je négocie les prix. Puis, une fois le concert vendu, je travaille principalement avec les régisseurs ou les tours managers, avec qui je gère l’aspect logistique et technique.

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Qu’est-ce que tu aimes particulièrement dans ton métier ?

J’aime vraiment cette mise en relation, entre l’artiste et les programmateurs ou producteurs. J’apprécie le fait d’être porte-parole, de faire connaître un talent, de représenter ses intérêts. Rassembler des personnes qui gagnent à travailler ensemble m’enthousiasme. Je pense que ce rôle de trait-d’union me correspond parfaitement. En fait, c’est un métier passion qui fonctionne avec un tempérament particulier…

J’apprécie le fait d’être porte-parole, de faire connaître un talent, de représenter ses intérêts.

Peux-tu nous en dire plus sur ce « tempérament particulier » ?

Dans ce métier, il faut avoir le feeling avec les gens, être à l’aise et mettre à l’aise… Je suis quelqu’un qui va naturellement vers les autres, je suis de nature ouverte, je suis même un bavard ! Il faut savoir qu’une grande partie du métier, c’est d’échanger, négocier, communiquer. Donc si tu le fais naturellement, c’est idéal. Tu fais le métier sans savoir que tu le fais !

Dans ce métier, il faut avoir le feeling avec les gens, être à l’aise et mettre à l’aise…

Quelles autres qualités faut-il avoir pour être un bon booker selon toi ?

Je pense qu’un bon booker doit avoir cette personnalité de communicant mais sans se mettre au devant de la scène pour autant. Il doit rester à sa place d’intermédiaire tout en mettant une stratégie en œuvre pour faire connaître l’artiste. Un bon booker n’oublie pas que sans les artistes, il n’est rien ! Il faut donc être humble et se souvenir que l’artiste, ce n’est pas toi ! Cela n’empêche pas d’être artiste à côté bien sûr. J’ai d’ailleurs mon propre groupe de musique, Mars Red Sky, dans lequel je suis bassiste.

Par ailleurs, après plus de 20 ans dans le métier, je vois à quel point il est important de savoir doser l’information que nous envoyons à nos interlocuteurs. En d’autres termes, il ne faut pas être trop présent dans le démarchage ni forcer les choses, ou exagérer. Tout est une question de tempo. Il ne s’agit pas de proposer tout son catalogue mais plutôt de planter des petites graines au fur et à mesure et d’agir au bon moment.

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Enfin, il faut savoir prioriser et être organisé. Cela passe par la communication avec tes collaborateurs pour éviter de contacter par deux biais différents la même personne, la mise à jour des coordonnées de chacun de tes interlocuteurs. Respecter le process est essentiel ! Elle évite à tout le monde de perdre du temps. Car si nous oublions de mettre à jour un contact dans notre base de données commune à tous les bookers de 3C, c’est tous nos collaborateurs qui restent sans réponse du programmateur, et tous les artistes qui en pâtissent.

Un bon booker n’oublie pas que sans les artistes, il n’est rien ! Il faut donc être humble et se souvenir que l’artiste, ce n’est pas toi !

Comment le métier évolue-t-il ces dernières années ?

Depuis quelques années, il faut s’ouvrir à certaines missions qui ne sont pas dans le spectre du booker au départ. Mais c’est tout simplement parce que le rôle des maisons de disques a aussi évolué. Nous nous occupons par exemple davantage de la promotion des artistes. Parfois, nous endossons presque même un rôle d’influenceur qui, en soi, est intéressant, mais peut prendre beaucoup de temps. Nous voulons que les nouveaux artistes se fassent repérer, donc, naturellement, nous faisons leur pub !

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Quelles sont les difficultés du métier selon toi ?

Un booker travaille beaucoup ! C’est un métier qui peut être éreintant, nous ne comptons pas nos heures. Même si aujourd’hui je ne vais plus beaucoup à des concerts à titre perso compte tenu de ma vie de famille, le métier implique d’être un minimum présent aux concerts où se rendent les professionnels pour repérer les artistes émergents. Il faut donc faire attention à l’épuisement, se ménager et connaître ses limites ! Aussi, un booker peut parfois rencontrer des difficultés financières par moment, donc il faut savoir être un gestionnaire prudent et veiller à évoluer étape par étape, projet par projet, budget par budget.

C’est un métier qui peut être éreintant, nous ne comptons pas nos heures.

Enfin, quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite exercer ce métier ?

Je dirais tout simplement que, comme dans tous les métiers passion, appris souvent sur le tas, il faut commencer petit à petit. Filez un coup de main à gauche ou à droite, même gratuitement au début, pour rencontrer des personnes du milieu. N’hésitez pas à tester le métier et à construire votre réseau pour vous enrichir d’expériences diverses.

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Photo d’illustration by WTTJ