Et si rater un entretien était, finalement, une bonne chose ?

01. 7. 2020

9 min.

Et si rater un entretien était, finalement, une bonne chose ?
autor
Alexandre Nessler

Journaliste - Welcome to the Jungle

Veni, vedi… déjà fini ? Fraîchement diplômé, cela fait plusieurs fois depuis le début de vos recherches que votre CV est sélectionné pour des entretiens. Malheureusement, jusqu’à présent, et malgré vos efforts, votre parcours s’arrête là, à chaque fois. On le sait, se faire recaler quand on a atteint les dernières étapes du processus de recrutement, c’est comme perdre à l’épreuve des poteaux : douloureux et terriblement frustrant.

Vous avez du mal à gérer ces candidatures qui n’aboutissent pas et prenez chaque entretien infructueux comme un terrible échec personnel ? Cela vous démoralise et vous donne envie de tout arrêter ? Pire, la perspective de revenir bredouille d’un entretien vous empêche de lancer vos candidature ? C’est exactement l’opposé de ce qu’il faut faire ! Car il y a une façon bien plus positive de voir ces entretiens qui n’ont pas marché. On vous assure qu’il y a toujours quelque chose de bon à en tirer. Découvrez pourquoi il ne faut pas s’inquiéter de quelques échecs et comment ces entretiens infructueux vous seront utiles pour la suite de votre quête de premier emploi.

D’abord, acceptez vos erreurs

Vous savez faire du vélo ? Un jeu d’enfant, n’est-ce pas ? Mais vous souvenez-vous du nombre de chutes dont vous vous êtes relevé avant de savoir pédaler correctement ? Aujourd’hui, on suppose qu’elles ne sont pour vous qu’un lointain souvenir, mais ce qu’elles nous enseignent, c’est que les erreurs font partie du processus d’apprentissage.

Et dans votre carrière, des erreurs vous en ferez plus d’une, vous pouvez en être certain. Certes, vous avez déjà eu l’occasion de vous faire un peu la main lors des entretiens de stage pendant vos études, mais lorsqu’il y a un CDD ou un CDI à la clé, ce n’est plus le même exercice… Et ça, Aliénor le sait bien. Pour cette jeune diplômée qui a trouvé un poste en début d’année après 6 mois de recherches, « la différence, c’est que, lors d’un entretien pour un stage, on va surtout mettre en avant son potentiel, sa motivation, sa volonté d’apprendre. Tandis que pour un premier emploi, il faut montrer ce qu’on peut apporter à l’entreprise, ici et maintenant. » Il s’agit donc d’un nouveau genre d’entretien que l’on découvre à la sortie des études et qu’il faut apprendre à maîtriser, à son rythme et en s’autorisant bourdes, gaffes et autres maladresses.

Parce que oui, hélas, comme dans tout nouvel exercice, on s’expose aux “erreurs de débutant”. Parfois celles-ci vous coûteront le poste convoité, ce qui sera - bien entendu - malheureux, mais, rassurez-vous, tout à fait normal. Alors pourquoi ne pas les accepter et les voir comme un signe d’avancement et de progrès ? Michael Jordan, sans doute le meilleur basketteur de tous les temps, disait même : « Dans ma vie, j’ai échoué, encore et encore. Et c’est pour ça que j’ai réussi. » De quoi nous faire relativiser nos petits échecs, non ? Si un entretien se passe mal, dites-vous donc simplement que « ça arrive », et que les erreurs que vous avez commises, vous ne les commettrez certainement pas deux fois !

L’entraînement, le secret des grands champions

Avec la pratique, on devient le king des entretiens…

Si Michael Jordan est devenu le champion qu’on connaît, c’est donc peut-être grâce à ses erreurs, mais surtout parce qu’il s’est exercé inlassablement jusqu’à les gommer une par une. Azad a bien compris que l’entraînement était la clé de la réussite. Tout juste diplômé et actuellement en recherche d’un emploi dans les ressources humaines, il a fini par prendre goût aux entretiens. Sa règle d’or : les considérer systématiquement comme des sources d’enrichissement personnel, même lorsqu’ils ne lui permettent pas d’accéder à un poste. « Quand ça ne marche pas, je me dis que c’était un entraînement, que ce que j’en retiens peut m’aider pour faire mieux aux prochains, mais aussi dans la vie de tous les jours. Évidemment, il ne faut pas faire des entretiens uniquement pour s’entraîner - ça serait irrespectueux pour les recruteurs qui donnent de leur temps - mais à partir du moment où on est un minimum attiré par le poste, même sans être emballé à 100%, on ne perd rien à s’exercer un peu. », nous explique-t-il.

Et il a raison, car tout ce que vous savez faire aujourd’hui, vous l’avez appris, et le plus souvent en le mettant en pratique en conditions réelles. Que ce soit pour apprendre à parler, écrire, courir, jouer d’un instrument de musique, résoudre un puzzle, ou même entrer des données dans un fichier Excel… Si vous savez faire tout ça, c’est parce qu’à un moment donné, vous y avez passé du temps : du temps à essayer, à échouer, à répéter les choses jusqu’à développer des automatismes et enfin, les maîtriser totalement. Et bien, pour les entretiens d’embauche, c’est pareil ! La progression d’Aliénor au fil de ses entretiens témoigne, elle aussi, des bénéfices de l’entraînement : « Au début de mes recherches, j’avais besoin de noter tout ce que je comptais dire dans un carnet, avant chaque entretien. Et puis, peu à peu, je me suis détachée de cette habitude rassurante, car je connaissais de mieux en mieux les questions les plus courantes des recruteurs et mon pitch. »

On acquiert de nouvelles compétences

Au-delà de la maîtrise de l’exercice particulier qu’est l’entretien, celui-ci permet aussi de peaufiner son aisance en prise de parole. C’est d’ailleurs une des qualités les plus utiles dans le monde professionnel, bien au-delà du processus de recrutement. Dans ce domaine, Azad ne peut que constater sa progression : « Plus on fait d’entretiens, plus on apprend à s’adapter à différents types d’interlocuteurs, explique-t-il. Aujourd’hui, je sais d’expérience qu’il ne faut pas employer pas les mêmes mots, ni adopter le même ton ou la même attitude, devant des recruteurs en start-up et devant des recruteurs dans le luxe, par exemple. Ca n’a l’air de rien, mais savoir adapter son discours à son interlocuteur, c’est essentiel ! Et c’est d’ailleurs une qualité qui peut aussi se révéler utile une fois embauché, pour le reste de la vie professionnelle et même dans la sphère personnelle. »

… et une plus grande sérénité

Que l’on soit en début de carrière ou un profil confirmé, l’entretien est toujours un moment stressant. On est stressé avant de s’y rendre, par appréhension, mais aussi parfois pendant l’exercice, et cela peut nous faire perdre nos moyens. Mais en enchainant les entretiens, même s’ils n’aboutissent pas à une embauche, dites-vous que vous vous donnez du temps pour vous familiariser à un environnement dans lequel il est normal de se sentir vulnérable. L’entretien est une situation naturellement inconfortable car on se retrouve dans l’obligation de se vendre et de se soumettre au jugement d’un recruteur. Néanmoins, ce n’est pas insurmontable.

En enchaînant les entretiens, vous réussirez à mieux gérer l’inconfort de la situation. À l’instar d’Émilie, diplômée en décembre et récemment embauchée en marketing pour une grande boite de sportswear, vous serez de plus en plus à l’aise face à des recruteurs au fil des entretiens et pourrez enfin vous recentrer sur l’essentiel : vos réponses. « Plus t’en fais, moins tu es stressé, constate-t-elle. Avec l’expérience, tu prends conscience que si tu es là, face à eux, c’est déjà que ton profil leur a plu mais aussi que tu as les compétences requises pour le poste. On n’est jamais sélectionné au hasard et quand on le comprends c’est plus facile de foncer, sans se poser de questions. Même si j’étais tout de même un peu stressée avant mon dernier entretien, ce n’était pas exactement pour les mêmes raisons qu’au début. Mon stress venait plus de mon envie de décrocher le poste, que de ma peur de louper l’entretien. »

L’occasion de clarifier votre projet

Par une meilleure compréhension de l’offre

Si l’entretien permet surtout aux recruteurs d’avoir un meilleur aperçu de votre profil, cette entrevue peut aussi être une bonne occasion de confirmer ou informer votre projet pro. Azad se souvient qu’il y a quelques années, un entretien lui avait permis de mieux comprendre le type de poste qu’il cherchait, ou plutôt, celui qu’il fuyait. « Avant, je faisais de la vente et ça ne me convenait pas. Et puis, je me suis lancé dans des études en ressources humaines. Arrivé en Master et à la recherche d’une alternance, j’ai donc envisagé - entre autres pistes - de me diriger vers des postes de recrutement. Mais un seul entretien m’a fait changer d’avis, me ramenant à mes vieux démons. J’y ai réalisé qu’il y avait beaucoup de similitudes entre le métier de recruteur et celui de vendeur. Or, c’est tout ce que j’avais fuis quelques mois auparavant. Dès lors, j’ai pu barrer ce métier de ma liste. »

« Ce qui est bien avec les entretiens d’embauche, c’est qu’ils donnent une meilleure idée de ce qu’il y a vraiment derrière le poste (quotidien, missions concrètes…), au-delà de ce qui est écrit sur les offres en ligne - qui doivent donner “envie” et être synthétiques. » explique-t-il. En confrontant ces précieuses informations à nos attentes, on peut en effet progressivement éliminer les options qui ne nous correspondent pas, pour ne garder que les métiers les plus attirants à nos yeux et surtout, les plus en accord avec nos envies.

Par une meilleure connaissance de soi-même

Mais encore faut-il être au clair sur ses propres attentes, me direz-vous… Et bien, pas forcément ! Pour beaucoup de jeunes diplômés, ce n’est pas encore le cas au moment de démarrer leurs recherches du premier emploi. Si vous êtes, vous aussi, fraîchement diplômé et au tout début de votre quête, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que vous n’ayez pas un chemin tout tracé en tête. Jeanne, aujourd’hui content manager dans une start-up parisienne, se souvient être passée par là, il y a deux ans. « J’étais un peu perdue [après mon diplôme], et du coup, je ne postulais pas beaucoup. » Mais c’est suite à un entretien qu’elle a ouvert les yeux et clarifié son projet. « Ça s’était plutôt bien passé, j’avais eu un bon feeling avec les recruteurs, mais je me souviens être rentrée chez moi en ayant l’impression d’avoir menti sur la plupart de mes réponses, pour leur faire plaisir ». À l’époque, la jeune femme n’est pas très sûre des critères qui comptent le plus dans ses recherches et dit oui à tout, sans savoir ce qu’elle peut se permettre de refuser. « Pourtant, après réflexion, il y avait beaucoup d’éléments, comme le salaire, le contenu des missions ou le type de structure qui ne m’emballaient pas. » C’est alors qu’elle réalise qu’il valait mieux pour tout le monde qu’elle soit honnête et qu’elle exprime davantage ses réserves. « Je me suis dit qu’en le faisant, j’aurais la certitude, quelque soit l’issue de l’entretien, d’avoir été jugée pour les bonnes raisons. Dans le cas contraire, si je continuais à ne pas dire toute la vérité, je risquais de ne jamais trouver ma voie. » Heureusement, lors du second entretien, elle a pu revenir sur certaines questions et être beaucoup plus claire sur les aspects du poste qui lui plaisaient moins. Elle n’a pas été retenue pour la suite mais sa démarche a été appréciée par ses interlocuteurs « Les recruteurs m’ont dit qu’ils avaient aimé ma sincérité et nous sommes resté en bons termes, nous sommes d’ailleurs toujours en contact sur LinkedIn. »

Pour la jeune femme, ce n’est pas très grave qu’un entretien n’aboutisse pas sur une proposition d’emploi, du moment que l’on fait l’effort de comprendre pourquoi et qu’on en tire des enseignements sur nous-mêmes. « Quand un entretien ne donne rien, il ne faut pas juste regretter et oublier, c’est important de se demander : pourquoi ça n’a pas matché, pourquoi on n’a pas su se montrer convaincant et s’il était réellement vraiment “fait pour nous”. C’est comme ça qu’on progresse et qu’on affine son projet pro. »

La confiance, cet ami qui vous veut du bien

Finalement, malgré les refus que vous avez déjà essuyés et ceux que essuierez encore dans votre carrière (même si on ne vous le souhaite pas, c’est fort probable), un jour, il se peut qu’un allié de poid finisse par se pointer : la confiance. C’est l’un des paradoxes de l’échec. Sur le coup, il est source de déprime et il fait mal à l’égo. Mais à terme, à condition de remonter à cheval après chaque chute, il permet de gagner confiance en soi. Celle-ci découle de la combinaison de l’entraînement et d’une meilleure connaissance de soi. Une fois acquise, la confiance peut représenter un gros avantage selon Emilie : « Cela peut faire la différence car on dégage quelque chose de positif et puis, à mon avis, c’est plus agréable pour le recruteur d’avoir affaire à quelqu’un qui est plus détendu. »

Vous l’aurez compris, les échecs et ratés en entretien ont beau être douloureux, ils ne sont jamais totalement inutiles et peuvent vous donner l’expérience nécessaire qui fera la différence le jour où vous en aurez vraiment besoin. Au contraire, ne pas passer d’entretiens tant qu’on est pas sûr de nous à 100%, souvent par peur de l’échec, serait une erreur stratégique, comme le suggère Emilie : « Le risque, si on ne se lance pas, c’est de se retrouver un jour face au poste de nos rêves mais de passer à côté de son entretien et de le rater par manque d’entraînement. » Alors, le plus important, en particulier au début de nos recherches, c’est de se lancer, tout simplement. C’est plus facile à dire qu’à faire, mais c’est pourtant un passage obligé. En bref, dans la longue traversée que représente la quête d’un job qui nous correspond, commencez par larguer les amarres, vous pourrez toujours choisir la destination en cours de route.

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Photo by WTTJ

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