Candidats, 5 conseils d'écrivains pour sortir du lot à l'écrit

24. 6. 2021

5 min.

Candidats, 5 conseils d'écrivains pour sortir du lot à l'écrit
autor
Manon Dampierre

Journaliste freelance

Qui n’a jamais cherché de modèles de CV ou de lettres de motivation sur Internet ? Quel que soit le secteur visé, postuler en entreprise suppose de mobiliser des compétences rédactionnelles. Mais parce que l’exercice s’avère ardu, beaucoup de candidat·e·s cèdent au piège du copier-coller plus ou moins ajusté et se contentent de reproduire des schémas éculés. Comment sortir des discours préfabriqués ? Comment taper dans l’œil du/de la recruteur·euse à travers sa plume ? Voici cinq conseils pour faire de vos candidatures écrites un véritable outil de différenciation.

« Les candidats “proactifs” en quête d’une entreprise “bienveillante” et “leader sur son marché”, c’est vu et revu ! », confie Johary Ranarison, HR Business Partner pour Octopia, filiale de Cdiscount. Résultat : entre des dizaines de profils équivalents, le choix des appelé·e·s se joue sur un autre tableau. En négligeant l’écriture, premier contact avec l’entreprise, on se prive pourtant d’un puissant levier de séduction. De la vitrine des réseaux sociaux, où une présentation accrocheuse attise la curiosité, aux candidatures en elles-mêmes, les mots ont le pouvoir de vous faire sortir du lot. « Il s’agit de déclencher deux éléments : montrer que l’on est légitime et susciter le désir du recruteur », explique Vanessa Caffin, journaliste, romancière et scénariste, qui dispense des ateliers d’écriture à l’école Les Mots. Mais concrètement, comment atteint-on ce double objectif ?

1. Chercher les points de rencontre

« La règle de base, à toujours garder en tête, c’est que le lecteur ne s’intéresse qu’à lui. Il veut que vous lui parliez de lui », prévient Vanessa Caffin. Pour capter l’attention de son interlocuteur·rice, il est donc essentiel de bien le·a connaître. Effectuer un travail approfondi de recherche sur l’entreprise permet de s’imprégner de ses valeurs, de comprendre sa « personnalité », mais aussi, pourquoi pas, de repérer une initiative ou un aspect sur lesquels elle n’a que peu communiqué. En injectant des éléments plus confidentiels dans votre lettre ou mail de motivation, vous augmentez vos chances de vous distinguer… à condition, bien sûr, qu’ils entrent en résonance avec le poste que vous convoitez.

Appréhender au plus juste les attentes de l’entreprise s’avère fondamental pour chercher en soi-même ce qui pourrait les combler. Cela suppose de porter un regard lucide sur ses forces, ses faiblesses, mais aussi sur son évolution. Parce qu’il « est très compliqué d’être transparent avec soi-même », la romancière Emilie de Turckheim conseille de s’appuyer sur ce que les autres disent de nous. Également animatrice d’ateliers d’écriture pour Les Mots, elle recommande elle aussi d’envisager l’acte de candidature « à la lumière de la rencontre ». « Il faut se demander : à quel endroit nos désirs se rencontrent-ils, quels pourraient être les points d’intersection ? » De cette réflexion préalable découleront des messages clairs et pertinents à mettre en mots.

2. Angler le propos

Si vos désirs rencontrent ceux de l’entreprise en d’innombrables endroits, concentrez-vous sur les plus inattendus, susceptibles d’intriguer la personne qui vous lit. Et n’oubliez jamais que le trop est l’ennemi du bien ! Il est tentant, pour convaincre, de vouloir en dire le plus possible. Or, la stratégie se révèle contre-productive : noyés dans la masse, les messages que vous portez s’annihileront les uns les autres. Angler son mail ou lettre de motivation autour d’un ou deux axes permet, au contraire, de faire mouche. « Vous pouvez en retirer une impression de frustration, mais si le message est fort, qu’il fait la différence, vous avez tout intérêt à le mettre en avant de bout en bout car il va hanter la tête du recruteur », assure Vanessa Caffin.

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3. Fuir l’abstraction

« Efficace », « rigoureux·se », « à l’écoute », « créatif·ve », « adaptable », « solidaire » : vous êtes une personne formidable, à n’en pas douter, mais là encore, mieux vaut épargner au/à la recruteur·se le catalogue de vos qualités ! Car cet empilement d’adjectifs a pour effet de vider les mots de leur sens. Si vous avez dressé en amont une liste (restreinte) de mots-clés que vous souhaitez placer, réfléchissez à une manière de les exprimer réellement. Vous êtes résistant·e au stress ou force de proposition ? Prouvez-le en relatant une anecdote personnelle, en sortant des généralités pour aller dans le détail. Car oui, être précis a du bon surtout si cela sert une histoire unique et précautionneusement choisie parce qu’elle en dit beaucoup sur nous. « Ce qui marche, c’est de regarder les choses par l’œil du microscope, de raconter une histoire concrète qui va provoquer des images familières dans la tête de votre lecteur, et donc de l’émotion », observe Vanessa Caffin. Même sur des supports professionnels tels qu’un profil LinkedIn, un portfolio, un CV ou une lettre de motivation, il ne faut pas hésiter à investir (avec parcimonie) le terrain de l’intime, à puiser dans son vécu pour nourrir sa démonstration… et à arranger son récit si besoin. « Et rien ne vous empêche de réunir trois bouts d’histoires (vraies !) pour n’en former qu’une, du moment que celle-ci vous décrit sincèrement », avance Emilie de Turckheim.

4. Privilégier la sincérité sur l’originalité

S’il demeure indispensable de parler de l’entreprise, de soi et de sa relation à l’entreprise, cet impératif n’exclut pas l’originalité. Un CV sous forme de récit autobiographique, par exemple, peut ainsi englober les trois dimensions. « À travers une description de soi, l’idée est que l’autre comprenne entre les lignes en quoi on lui parle de lui-même », précise Emilie de Turckheim. De son côté, Vanessa Caffin se souvient du CV « génial » d’une journaliste, présenté sous l’aspect… d’un journal. « En revanche, la lettre écrite comme une missive au Père Noël, c’est drôle, original, mais pas pertinent ! Car on parle de soi, mais pas de l’entreprise. » En d’autres termes, si la forme est audacieuse mais que le fond ne suit pas, vous ferez chou blanc. « Cela ne sert à rien de vouloir réinventer la manière de se vendre. Il faut juste raconter l’histoire la plus cohérente avec qui l’on est et avec ce que l’entreprise recherche », poursuit Vanessa Caffin. La clé du succès réside donc dans la sincérité. Les arguments avancés et la manière dont ils sont tournés doivent refléter ce que vous êtes, votre personnalité et vos aspirations. En ce sens, l’écriture peut agir comme un révélateur. « Si, alors que je suis en train d’écrire ma réclame, mon corps n’y est pas, mon cœur n’y est pas, c’est que ce n’est pas pour moi. Et immanquablement, ça va se sentir dans mon écriture ! », estime Emilie de Turckheim.

5. Se (faire) relire

Étape incontournable pour éliminer les vilaines fautes d’orthographe et de syntaxe (« S’il y en a plusieurs, c’est rédhibitoire », confirme Johary Ranarison), la relecture, à voix haute plus encore, permet d’identifier les passages où l’on bute, les mots qui ne sonnent pas bien, les formulations vagues… Mais c’est en se mettant dans la peau du/de la DRH et en soumettant son contenu à plusieurs personnes de son entourage, à l’aise avec l’écriture ou connaisseuses du secteur dans lequel on postule, que l’on pourra évaluer la façon dont il est reçu et identifier de potentiels problèmes. « Quand quelqu’un lit votre contenu, il réfléchit en même temps et se pose des questions. Il ne faut surtout pas qu’il puisse émettre des objections, sinon le doute s’installe et c’est terminé ! », conclut Vanessa Caffin.

Vous l’aurez compris, le pouvoir des mots est considérable et peut constituer un tremplin vers le poste que vous visez. L’apprivoiser nécessite du temps, de l’entraînement, mais vous avez tout à y gagner.

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Article édité par Eléa Fourcher-Créteau
Photo par WTTJ

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