Manager un freelance vs un salarié : comment trouver le bon équilibre ?

19. 1. 2023

4 min.

Manager un freelance vs un salarié : comment trouver le bon équilibre ?
autor
Mélissa Darré

Editorial manager @Welcome to the Jungle

přispěvatel

Les talents externes sont de plus en plus prisés par les entreprises qui doivent apprendre à les attirer et les fidéliser. Un art qui passe notamment par la qualité du management qui se différencie beaucoup de celui d'un salarié ! Zoom sur les conseils de Ludovic Girodon en la matière.

Le statut d’indépendant n’en finit plus d’attirer de nouveaux talents, tandis que les mutations actuelles du marché du travail favorisent leur recours par les organisations, afin de pallier aux besoins de main-d’œuvre notamment sur les profils pénuriques. En 2020, 57 % des entreprises de l’Hexagone ont ainsi fait appel à des freelances, alors que dans le même temps 40 % des salariés envisageaient de se lancer un jour à leur propre compte. Si la question de savoir comment retenir vos salariés (à la fois dans leur poste et dans leur statut) se pose logiquement, il en va de même pour celle d’attirer et fidéliser vos talents externes. Et si vos méthodes de management étaient justement la clé ? Ludovic Girodon, conférencier en management et auteur de Dream Team (2019) vous dévoile ses pré-requis pour marquer des points auprès de ces travailleurs indépendants.

Pour toi, à quoi un manager doit-il être attentif en considération des spécificités du statut de freelance ?

Derrière la notion de « freelance », il y a des réalités très différentes. Par exemple, entre une personne qui va faire une mission de 6 mois à temps plein et au contact des équipes, et une autre qui va travailler à distance de manière plus ponctuelle. Le premier enjeu est de dissocier le mode de fonctionnement selon le type de freelances avec lesquels on travaille, mais aussi d’avoir une meilleure compréhension de la réalité de leur statut. Parfois, quand on est au chaud dans son CDI, on peut avoir tendance à oublier que la principale ressource d’un freelance est son temps. Prendre du temps supplémentaire pour mettre en place des rituels, des process, des stratégies… devient très vite compliqué si ce n’est pas rémunéré.

Il y a aussi le sujet contractuel : un freelance reste indépendant, il n’y a donc pas de lien de subordination. Il faut être d’autant plus vigilant à ce que la relation soit la plus équilibrée possible, presque encore davantage qu’avec un salarié.

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Quels sont tes conseils pour favoriser une bonne collaboration avec cet indépendant ?

En tant que manager, on doit s’assurer que les besoins fondamentaux du freelance sont bien nourris. J’ai identifié cinq piliers qui font que tu as l’équipe la plus engagée possible et quand je les projette sur la collaboration avec une freelance, ça colle complètement. Ils sont réunis autour de l’achronyme DREAM. D pour « Direction », qui revient à donner du sens : pourquoi est-ce qu’on fait ce projet ? Pourquoi on fait appel à toi ? Pourquoi on met tel process en place ? C’est d’autant plus important pour quelqu’un qui a un pied en dehors et un autre à l’intérieur de l’entreprise. Souvent, il y a déjà ce travers classique avec ses équipes, quand on est manager : les choses sont tellement claires dans nos têtes qu’on oublie de prendre le temps d’expliquer le pourquoi du comment. Avec un freelance qui maîtrise encore moins les codes, la culture, le jargon interne… il faut prendre d’autant plus le temps de poser ce cadre.

Ensuite, il y a le R de « Reconnaissance », un freelance est comme tout le monde, il a besoin qu’on valorise son travail. Certains managers voient cette relation sous un prisme très froid « client-fournisseur », mais aujourd’hui tu ne peux plus fonctionner comme ça. Depuis la pandémie, tout le monde gagne en maturité sur le fait de recourir à des externes. Les entreprises qui n’arriveront pas à avoir de relations privilégiées avec ces freelances, prendront le risque qu’ils aillent voir ailleurs. C’est la même dynamique qu’avec des salariés. Après, on a le E d’« Environnement social » qui a trait à l’ambiance et à la confiance. Quand on travaille avec un freelance, c’est partir du principe qu’on a confiance en lui ou elle a priori, et jusqu’à preuve du contraire. Certains managers peuvent avoir tendance à faire l’inverse, en attendant notamment de leurs salariés qu’ils « fassent leurs preuves ». Avec des freelances, c’est d’autant plus important de savoir faire confiance par défaut entre la distance et l’absence de lien de subordination.

Le A d’ « Autonomie » est au cœur du sujet : par définition, un freelance est contractuellement plus autonome qu’un salarié. Cela demande une capacité à déléguer, à responsabiliser et à faire en sorte qu’on transfère une part de ce qui ne peut pas être fait en interne à quelqu’un d’autre. Et ça demande de la méthode : on ne peut pas s’en tirer avec un brief et considérer que c’est parti. Des points avant, pendant et après la collaboration sont nécessaires, en étant très structurés pour se mettre d’accord sur des échéances, à la fois selon le sujet et le niveau de la personne. Et le dernier pilier est le M de « Montée en compétences », le freelance doit avoir le sentiment d’apprendre de nouvelles choses, de progresser. Avoir des missions variées et travailler avec différentes personnes font partie des moteurs du choix de ce statut.

En tant qu’entreprise, comment parvenir à se démarquer auprès de ces talents externes ?

Les entreprises qui s’en sortent le mieux avec leurs freelances sont celles qui parviennent à gommer le plus possible les marqueurs internes/externes. C’est un sujet plus juridique qu’autre chose. Offrir des prestations ou inviter à ses événements internes ses collaborateurs freelances a énormément de sens. Il y a aussi une co-construction qui mérite de s’opérer autour de discussions d’équipe. Certains sujets ne sont pas évidents à envisager de façon participative, mais je trouve que celui-ci si prête énormément. L’objectif est de répondre à un besoin et il n’y a pas de schéma unique : certains freelances préfèrent être intégrés, d’autres d’être plus tranquilles. L’idée est de se réunir avec son équipe en se demandant ce qu’il est possible et pertinent de proposer à ses freelances, et ensuite de prendre en considération individuellement de quoi chacun d’entre eux a envie.

Cet article est issu de notre ebook Futur du travail : 10 tendances RH qui vont faire 2023 réalisé avec nos experts du Lab.

Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.

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