5 techniques improbables pour tester les soft skills

01. 6. 2021

5 min.

5 techniques improbables pour tester les soft skills
autor
Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

přispěvatel

Pour aller plus loin dans l’analyse des candidats, le recruteur scrute désormais leurs soft skills. Convaincu de l'importance de ces dernières ? Voici notre sélection de pratiques ultra pertinentes pour les détecter !

En tant que recruteur, qui n’a jamais sorti de son chapeau quelques questions bateau censées détecter les soft skills cachées du candidat·e ? Petit florilège : vos défauts et qualités, l’objet fétiche à apporter sur une île déserte, vos réactions face à une épreuve ou une défaite… Indéniablement, les réponses apportées peuvent changer le regard d’un·e recruteur·se alors que 90 % d’entre eux sont convaincu·e·s que les compétences comportementales prennent de l’ampleur. Mais ces questions sont-elles vraiment pertinentes pour détecter les compétences sociales et comportementales des candidat·e·s ? Pour aller plus loin qu’un discours, les entreprises se lancent donc dans des techniques de détection plus originales, voire déroutantes. Voici notre sélection de pratiques testées et approuvées (ou pas ?).

Souriez, vous êtes filmé·e

Il fallait y penser, Heineken l’a fait ! En Italie, l’entreprise a osé une mise en scène digne des meilleures caméras cachées. Afin de réellement cerner les candidat·e·s, l’entreprise a imaginé des scénarios improbables. L’objectif ? Les sortir de leur zone de confort. Accrochez-vous. Le/la recruteur·se commence par prendre les candidat·e·s par la main pour les accompagner jusqu’à la salle où se déroule l’entretien. Il/elle l’interroge même sur ce qu’ils/elles ont pensé du fait qu’il/elle leur ait tenu la main… Entre moments de solitude et réactions surprenantes, le choix commence à s’affiner. Cela ne s’arrête pas là ! Le/la recruteur·se prétend un malaise et profite de ce moment déroutant pour demander au/à la candidat·e ses aspirations salariales. Le déroulé est couronné par une fin à la Loft Story : ces différentes étapes ont été capturées en vidéo et publiées en ligne ! Ce sont les internautes eux/elles-mêmes qui ont voténpour le/la meilleur·e candidat·e. En dehors de l’heureux.se élu.e, pas sûr que la chose ait été appréciée par les prétendant.e.s au poste ! Une pratique impossible en France, puisqu’il est interdit de filmer un candidat à son insu.

L’IA détectrice de soft skills

Psychologue du travail et fondateur de la startup AssessFirst, David Bernard affirme qu’en moyenne, sur 100 candidat·e·s recruté·e·s, 46 départs ont lieu au cours des 18 premiers mois. Dans la majorité des cas, ces derniers sont liés à une incompatibilité comportementale. Il a donc développé une solution fondée sur un algorithme permettant d’évaluer le potentiel des candidat·e·s au regard du contexte culturel de l’entreprise. Le fonctionnement ? Le/la candidat·e répond à trois questionnaires : l’un sur ce que la personne peut faire (son raisonnement), l’autre sur ce qu’elle souhaite faire (ses motivations) puis, la façon dont elle se comporte (sa personnalité). À l’aune des résultats, l’intelligence artificielle est capable de prédire les facteurs qui influencent le succès, l’engagement et l’épanouissement d’un·e collaborateur·rice. Et ce, pour chaque poste, équipe et entreprise.

Dans la même veine, Easyrecrue, société du groupe iCIMS, propose des entretiens vidéo différés permettant aux candidat·e·s de faire ressortir certains traits de leur personnalité. Dans l’analyse de ces vidéos, EasyRecrue met à disposition des recruteur·euse·s un module optionnel fondé sur de l’intelligence artificielle. Cet algorithme étudie notamment la prosodie (le rythme de la voix, l’intensité, la tonalité, le débit de parole, les hésitations), la communication interpersonnelle et la diversité lexicale. Le plus ? La solution est capable de trier les candidatures et de suggérer aux recruteur·euse·s les vidéos correspondant le plus aux critères comportementaux exigés par l’entreprise. L’IA, plus à même de mesurer des facteurs hautement humains et d’éviter les biais cognitifs ? Libre à chacun de croire aux vertus de la machine !

Le « recrutainment » ou quand embaucher devient un jeu (d’enfant ?)

Pour dénicher les soft skills dès la phase de recrutement, on parle de plus en plus de recrutainment (fusion de « recrutement » et « entertainment ») avec l’instauration de la « gamification » dans l’expérience candidat. Elle fait référence à l’utilisation de toutes sortes de jeux, en ligne ou hors ligne : jeux vidéo sérieux (serious games), jeux d’aventure type escape games, jeux de stratégie ou même tournois de poker… En apparence assez basique, le gaming en dit long sur la personnalité des candidat·e·s, notamment sur les aspects relationnels.

Si l’on prend l’exemple de l’escape game : des scénarios de 15, 30 ou 60 minutes pendant lesquels les candidat·e·s sont prisonniers/prisonnières visent à évaluer leur capacité d’analyse et d’observation par le biais d’énigmes à résoudre collaborativement. Capgemini a lancé son escape game en région, « EsCAP ou Pas CAP », pour valider les capacités des candidat·e·s à travailler en équipe, une compétence essentielle dans leur culture. De même, pour les besoins des entreprises, telles que Groupama, Natixis, Caisse d’Épargne, la société L4M, site pour l’emploi de la région Hauts-de-France, a conçu des sessions de recrutement en ce sens. Pour opérer leur sélection, les recruteur·euse·s ont observé le comportement des candidat·e·s, leur capacité de résolution des énigmes mais surtout, leurs interactions avec les autres membres de l’équipe. Une mise sous pression qui révèlerait plus facilement leur potentiel et personnalité.

Recrutement à l’aveugle

Dans le noir, les sens seraient-ils décuplés et les personnalités se révèleraient-elles sans fard ? C’est en tout cas ce qu’a voulu experimenter la métropole de Nice avec la mise en place d’un événement de recrutement dans le noir appelé « C’est à vous de voir ! ». 28 candidat·e·s ont ainsi rencontré à l’aveugle 13 entreprises issues des secteurs de la grande distribution, du service à la personne, du nettoyage et du tertiaire. L’objectif ? Valoriser les candidat·e·s autrement que par l’image ! Ainsi, celles et ceux, présélectionné·e·s et coaché·e·s en amont, se sont présenté·e·s non pas nominativement, mais à travers une qualité qu’ils/elles ont choisi de valoriser telle que la polyvalence, le fait d’être loyal·e, la bienveillance… Chacun·e a participé à deux entretiens dans le noir, face à des responsables des ressources humaines, en binôme voyants et non-voyants. Vectrice de diversité, cette approche est un prolongement du CV anonyme : les recruteur·euse·s, privé·e·s de la vue, se concentrent davantage sur la voix du candidat, ses qualités ou encore sa manière de s’exprimer. Des détails leur apparaissent plus facilement, ajoutant de la subtilité dans la détection des compétences comportementales. D’ailleurs, parmi les 28 candidat·e·s, 23 ont obtenu dans la journée un contrat de travail.

Street sourcing : le casting à la volée

Envie d’une démarche encore plus directe ? La société Ethypik (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale, ESUS), aborde carrément les candidat·e·s potentiels dans la rue ! Leur approche ? Le street sourcing : « Ce n’est plus au candidat·e d’aller vers l’entreprise, mais l’inverse. Cette méthode nous permet de garantir une égalité de traitement, sans discrimination ni frein à la candidature. En mettant les soft skills au cœur du recrutement, nous pouvons proposer des personnes en adéquation avec un poste en nous fondant sur leurs compétences et personnalités… Plutôt qu’une somme d’expériences passées », explique Nicolas Morby, fondateur de la start-up. Le fonctionnement ? Les candidat·e·s sont abordé·e·s dans la rue par un « Bonjour ! Est-ce que vous cherchez du travail ? ». En fonction du profil du candidat·e, une ou plusieurs offres lui sont proposées. Si tous les prérequis pour le poste sont remplis et que la personne souhaite postuler, elle doit répondre à un court questionnaire, élaboré par une docteure en sciences cognitives. « Les réponses nous permettent d’avoir une première cartographie du candidat sur 8 compétences comportementales ».

À ce titre, le groupe DomusVi a confié à Ethypik le recrutement de personnes ne disposant pas de diplôme afin de détecter les compétences telles que la bienveillance, l’écoute, la bientraitance ou la passion du soin. Au sein de centres commerciaux et sur plusieurs zones géographiques ciblées (à proximité de Bordeaux, de Lyon, et à venir de Lille et Paris), l’entreprise a réalisé le recrutement de 130 personnes en ayant présenté environ 180 personnes en entretien. 500 ont d’ailleurs rempli un questionnaire de candidature et ont, ensuite, été intégrées au processus de recrutement.

Photo par WTTJ

Article édité par Paulina Jonquères d’Oriola

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