Estimation du salaire : comment évaluer combien on vaut en recherche d'emploi ?

15 mars 2023

9min

Estimation du salaire : comment évaluer combien on vaut en recherche d'emploi ?
auteur.e
Sylvain Guillet

Journaliste web

Que vous soyez en recherche d’emploi ou déjà en poste, il est important d’estimer le salaire auquel vous pouvez prétendre dans votre métier. C’est un peu comme jouer au juste prix ! De cette manière, vous avez une idée claire de ce que vous valez sur le marché de l’emploi, ce qui permet de mieux cibler les offres qui correspondent à votre profil et d’accroître votre pouvoir de négociation auprès des recruteurs.

Si vous souhaitez évaluer votre salaire mais que vous ne savez pas comment faire, voici les conseils et les outils utiles de “Tonton Karim” (alias Karim Hechmi), expert employabilité et marque employeur, pour estimer adéquatement votre valeur sur le marché du travail.

« À combien puis-je prétendre ? » : pourquoi tout le monde devrait estimer son salaire

L’estimation de votre salaire devrait constituer l’étape préalable à toute recherche d’emploi. Pourquoi ? La raison est simple : c’est le meilleur moyen de « connaître votre valeur sur le marché à l’instant T », selon Tonton Karim, et de postuler à des jobs qui s’alignent aussi bien avec vos aspirations professionnelles que financières.

Trop de candidats envoient leur CV et se présentent aux premiers entretiens sans avoir une idée de la fourchette salariale à laquelle ils veulent - et peuvent - prétendre. Résultat : au moment où le recruteur leur pose la question fatidique : « Quelles sont vos prétentions salariales ? », la panique les envahit et la peur de se faire chiper le poste les pousse à donner une fourchette bien trop basse. « Connaître sa valeur sur le marché AVANT d’entamer les négociations, c’est le b.a.-ba […]. Arriver en entretien sans être armé, c’est prendre le risque d’accepter un salaire qui serait inférieur à ce qui se pratique », prévient Tonton Karim.

Ce manque de préparation est une aubaine pour les entreprises, mais un piège pour le futur salarié que vous êtes. D’autant plus qu’une fois que vous avez accepté les conditions de l’offre d’emploi et que vous entrez dans l’entreprise, vous avez peu de marge de manœuvre pour faire monter votre rémunération. Certes, vous pourrez toujours négocier une augmentation de salaire auprès de votre employeur, comme envisagent de le faire 64% des Français en 2023, mais celle-ci dépasse rarement les 5-10% de hausse annuelle. Mieux vaut donc préparer le terrain en amont pour obtenir le salaire que vous méritez.

Pourquoi est-ce si difficile d’estimer son salaire ?

Si vous décidez de vous lancer dans la quête du salaire juste (et vous avez bien raison), sachez que l’exercice n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Dans la fonction publique, qui constitue un cas à part, la fourchette salariale pour un métier donné peut fortement varier selon l’entreprise, la nature du poste, votre expérience, vos compétences, votre capacité à négocier, etc. « Il y a des chargés de communication qui gagnent 32 000 €, tandis que d’autres en gagnent 48 000 », rappelle Tonton Karim. Il est donc de votre ressort d’évaluer correctement votre valeur. Malheureusement, certains paramètres inhérents au monde du travail peuvent vous compliquer la tâche :

  • Parce que les entreprises ne jouent pas le jeu

Seules 30% des entreprises afficheraient une fourchette salariale sur les annonces d’offre d’emploi, selon un article paru dans Les Echos. Mais pourquoi les employeurs rechignent-ils autant à afficher la rémunération ? Plusieurs raisons à cela : d’abord, pour pouvoir négocier plus facilement - à la baisse, soyons réaliste - avec les candidats, et donc faire des économies sur leurs salaires (bouhhhh c’est mal) ; ensuite, pour ne pas enrager les collaborateurs déjà présents dans l’entreprise, surtout ceux qui ont un poste équivalant à celui de l’annonce et dont la rémunération est peut-être moins élevée ; enfin, par peur que certains talents ne prennent même pas la peine de candidater s’ils considèrent que le salaire proposé est trop bas (alors qu’il reste négociable.)

Heureusement, le changement est en marche ! De plus en plus d’entreprises se calquent désormais sur le modèle anglo-saxon, qui privilégie la transparence salariale lors des processus de recrutement. Par ailleurs, une récente proposition de la Commission européenne, visant à lutter contre l’écart de rémunération hommes-femmes, devrait aboutir à des mesures législatives contraignantes en faveur de l’affichage des salaires.

  • Parce que votre valeur dépend du poste

Pour savoir combien vous valez sur le marché de l’emploi, encore faut-il savoir dans quel contexte. Un poisson qui nage plus vite que les autres aura beau être compétitif dans l’océan, ses nageoires lui seraient peu utiles sur la terre ferme. Dans le monde du travail, c’est la même chose : quel que soit le nombre de diplômes que vous avez ou les compétences que vous maitrisez, c’est le rendement que vous allez pouvoir apporter à un poste donné qui va définir votre valeur aux yeux d’une entreprise. Gardez ceci à l’esprit lorsque vient le moment d’estimer votre salaire.

Par exemple, si vous êtes devenu responsable de communication après avoir été professeur des écoles pendant quelques années, vous devenez de facto un profil recherché pour les entreprises qui vendent un produit ou un service en rapport avec l’éducation infantile (ex : aides aux devoirs). Ainsi, votre valeur sera plus élevée en tant que communicant aux yeux de ce type d’employeur que pour les marques spécialisées dans les biotechnologies.

  • Parce que l’argent est un tabou en France

On sait tous qu’en France, l’argent est un sujet « plus tabou que le sexe ». Inutile de nous lancer dans des réflexions socio-historiques pour expliquer ce phénomène : c’est un truc qui est mal vu, un point c’est tout. Et c’est bien dommage ! Cela participe au manque de transparence des salaires pratiqués sur le marché de l’emploi, et empêche un grand nombre de personnes de prendre conscience du niveau de rémunération qu’elles peuvent demander. « C’est un tabou cultivé par les entreprises. Car si vous ne connaissez pas votre valeur, il est beaucoup plus difficile de négocier votre salaire », affirme Tonton Karim.

Une seule solution pour pallier ce problème : soyez l’acteur du changement et osez aborder ce sujet défendu ! Où ? Lors des dîners de famille, pendant une soirée entre copains, au cinéma avec votre date (ou pas). Quand ? De préférence à la fin du repas, quand tout le monde a un coup dans le nez. À quelles réactions faut-il vous attendre ? Euh… vous verrez bien ! En réalité, si vous montrez que vous posez la question dans une démarche constructive pour vous positionner ou récolter des conseils de négociation, votre entourage devrait se montrer coopératif !

Quelques pistes pour évaluer son salaire sur le marché du travail

Évaluer son salaire, d’accord, mais comment faire ? Il existe plusieurs manières d’estimer la rémunération la plus juste en fonction de votre domaine d’expertise, de vos qualités personnelles et des salaires pratiqués dans votre secteur :

1. Dressez la liste de vos compétences

Avant de savoir ce que vous valez, encore faut-il avoir conscience de tout ce que vous avez à offrir ! Faites la liste de toutes les compétences liées à votre métier, des plus indispensables (par exemple, si vous êtes cuisinier, savoir monter de la crème fouettée) à celles, plus secondaires, qui constituent parfois une valeur-ajoutée à votre profil et vous distinguent de la masse (ex : un cuisinier qui a des notions en mixologie, ça peut être un plus).

Si vous voulez faire les choses bien, il peut être intéressant de réaliser un bilan de compétences. À défaut d’être gratuit, ce dispositif est un très bon moyen de prendre conscience de votre valeur sur le marché du travail en vous faisant accompagner par un professionnel, qui va vous aider à dresser l’inventaire de l’ensemble de vos savoir-faire. Il existe de nombreuses connexions entre les différentes compétences que vous avez accumulées au fil de votre carrière, auxquelles on ne pense pas toujours ! Plus vous possédez de compétences compatibles avec une offre d’emploi, plus vous pourrez prétendre à un salaire élevé.

En outre, n’hésitez pas à utiliser LinkedIn pour aller épier les personnes qui exercent le même métier que vous, de préférence à des postes similaires à ceux que vous visez : quels diplômes ont-ils obtenus ? Combien d’années d’expérience ont-ils accumulées avant d’arriver à un tel poste ? Quel est leur parcours ? Possèdent-ils des compétences que vous n’avez pas ? Ce benchmark concurrentiel peut vous permettre de mieux situer la fourchette salariale à laquelle vous pouvez prétendre lors des entretiens de recrutement (si vous êtes surqualifié, profitez-en pour demander une meilleure rémunération, mais s’il vous manque de l’expérience ou des compétences clés, revoyez vos ambitions à la baisse).

2. Prenez en compte votre savoir-être

Les entreprises n’embauchent pas des machines, mais des êtres humains amenés à interagir au quotidien avec d’autres êtres humains. La valeur de votre profil n’est donc pas uniquement définie à partir de vos compétences techniques, mais elle dépend également de vos soft skills, c’est-à-dire votre savoir-être.

Si vous avez d’excellentes capacités d’adaptation, que vous êtes loyal, rigoureux, flexible… faites-en un argument de vente auprès du recruteur ! Non seulement ces qualités personnelles augmenteront vos chances d’intégrer l’entreprise, mais elles peuvent aussi faire pencher la balance en votre faveur lorsqu’il s’agit de demander un salaire plus ou moins élevé.

Une bonne connaissance de soi est donc indispensable pour évaluer son salaire. Regardez-vous avec objectivité : possédez-vous une ou plusieurs des qualités humaines qui constituent un atout à tel ou tel poste ? Si oui, prenez-le en compte dans l’estimation de votre salaire. Et faites en sorte que le recruteur le notifie ; car c’est bien beau de savoir ce que l’on vaut en tant que salarié, il faut aussi faire en sorte que cela se répercute sur votre fiche de paie.

3. Les enquêtes de rémunération des cabinets de recrutement

Les cabinets de recrutement publient régulièrement des études de rémunération en ligne accessibles gratuitement. Celles-ci peuvent vous aider à vous situer par rapport aux salaires pratiqués dans votre métier. Elles sont mises à jour chaque année en fonction des évolutions propres à chaque secteur. « Attention tout de même, 80 % des clients de ces cabinets sont des grandes entreprises, dans lesquelles les salaires sont généralement plus élevés », avertit Tonton Karim.

Certaines de ces études affichent même des fourchettes salariales en fonction du nombre d’années d’expérience et de la demande des entreprises pour ce type de profil. Beaucoup de recruteurs se basent sur ces indications pour construire leur propre grille de classification salariale en interne. Ainsi, servez-vous en comme repère pour faire une estimation de votre salaire, mais n’en faites pas une science exacte.

Simulateurs de salaire en ligne : lequel choisir ?

Les simulateurs en ligne font partie des outils les plus populaires pour réaliser une estimation de son salaire. Pour savoir ce qu’ils valent vraiment, nous avons décidé de tester les 3 comparateurs les plus connus, en nous faisant passer pour un responsable communication avec 3 années d’ancienneté :

Apec

L’Association pour l’emploi des cadres met un simulateur de salaire à disposition des personnes qui possèdent un compte sur leur site Web (l’inscription est gratuite). Les données salariales sont issues de l’enquête annuelle sur la rémunération des cadres menée par l’Apec sur près de 17 000 personnes. Pour chaque métier, l’outil affiche un salaire moyen, ainsi qu’une fourchette haute et une fourchette basse. Le modèle d’estimation du salaire prend en compte des caractéristiques individuelles (expérience professionnelle, formation, …), de poste (fonction, lieu de travail, …) et d’entreprise (secteur, taille, …).

Données Apec fournies lors de notre test : le salaire annuel brut moyen en France pour un responsable communication serait de 43 300 €.

Waage

Il s’agit du simulateur de salaire le plus complet, et il peut se targuer de compter 900 000 utilisateurs représentant plus de 500 métiers. Waage s’adresse surtout aux salariés déjà en poste, puisqu’il se propose de comparer votre rémunération avec celles qui se trouvent dans sa base de données. Vous devez remplir des informations très complètes concernant votre situation : nature du poste, années d’ancienneté, avantages financiers, taille de l’entreprise… Vous obtenez alors une “évaluation salariale” qui compare votre situation avec celle des autres, en incluant le salaire annuel brut mais également les congés payés, l’ancienneté moyenne ou encore la parité salariale hommes-femmes.

Données Waage : le salaire annuel brut moyen en France pour un responsable communication serait de 56 454 €.

Glassdoor

Glassdoor est l’outil de simulation de salaire le plus rapide et le plus simple à utiliser. Le comparateur fonctionne grâce au partage : des utilisateurs anonymes indiquent leur salaire à un poste donné, et il vous suffit ensuite de chercher le métier correspondant dans la barre de recherche pour obtenir un aperçu des rémunérations pratiquées, avec des fourchettes basses et des fourchettes hautes. Plus de personnes partagent leur salaire, plus l’indice de confiance est élevé.

Données Glassdoor : le salaire annuel brut moyen en France pour un responsable communication serait de 42 000 €.

Attention, le salaire ne fait pas tout !

« L’argent ne fait pas le bonheur… » : on connaît tous la ritournelle, mais on préfère malgré tout être payé à notre juste valeur, et c’est pour cette raison qu’il est essentiel d’évaluer régulièrement son salaire. En revanche, ne faites pas de l’argent votre seul cheval de bataille ! Dans certains cas, il peut être acceptable d’accepter une rémunération moins élevée que ce que vous aviez en tête, si ce compromis est compensé par d’autres avantages tels que :

  • Une grande flexibilité dans les conditions de travail (télétravail, semaines de 4 jours, horaires libres…) ;

  • Une rémunération sous forme d’intéressement aux bénéfices de l’entreprise (ex : les BSPCE) ;

  • Des avantages supplémentaires tels que des prestations de santé, une formation continue ou un régime d’épargne-retraite.

« Parfois, il faut savoir faire des concessions. Il n’y a pas que l’argent à proprement parler qui compte, il y a des entreprises qui ont de très bons packages », explique Tonton Karim. Par ailleurs, si l’offre d’emploi correspond parfaitement à ce que vous cherchez et que vous souhaitez absolument intégrer l’entreprise, envisagez d’être plus souple sur la négociation salariale (un peu, mais pas trop !), surtout si vous savez que la paie dans ce secteur est inférieure à la moyenne - par exemple dans les ONG et les associations à but non lucratif. Bonne enquête à vous !

Article édité par Gabrielle Predko ; Photo de Thomas Decamps

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