Abandon de poste : quelles conséquences et quelles alternatives ?

31 oct. 2018

6min

Abandon de poste : quelles conséquences et quelles alternatives ?
auteur.e
Cécile Nadaï

Fondatrice de Dea Dia

L’abandon de poste désigne le fait de s’absenter de manière injustifiée et prolongée durant les heures ouvrables définies dans le contrat de travail, sans indiquer de date de retour. En abandonnant votre poste, vous contrevenez à votre obligation contractuelle principale, à savoir effectuer les missions pour lesquelles vous avez été embauché en échange d’une rémunération. Mais que risque-t-on à opérer une telle manœuvre ? On fait le point.

Les critères qui caractérisent l’abandon de poste

Tout d’abord, il faut savoir qu’en tant que salarié (en CDD ou en CDI), vous disposez d’un délai de 48h pour envoyer votre arrêt de travail à votre employeur. Un salarié qui ne vient pas travailler pendant une journée ne peut donc être accusé d’abandon de poste.

Durant ces quarante-huit heures, attendez-vous à vous faire harceler d’appels et de messages de vos supérieurs et vos collègues. Si ce n’est pas la première fois que vous vous absentez sans prévenir, vous allez vous attirer les foudres de tous ceux qui comptent sur votre présence à votre poste de travail. En revanche, si ce comportement n’est pas dans vos habitudes, il est probable que l’inquiétude (il vous est peut-être arrivé quelque chose) précède la colère. Il est donc important de ne pas sous-estimer l’impact psychologique que peut avoir un abandon de poste sur les personnes avec lesquelles vous travaillez.

Passé ce délai légal, l’employeur est en droit de vous envoyer une lettre recommandée avec accusé réception ou de vous remettre une missive en main propre contre décharge dans laquelle il vous met en demeure de justifier votre absence ou de reprendre votre travail dans les plus brefs délais. Ce courrier doit préciser :

  • La date du début de l’absence ;
  • Le fait qu’aucune justification n’ait été fournie ;
  • Les conséquences de cette absence sur le bon fonctionnement de l’entreprise ;
  • La mise en demeure de justifier l’absence dans un délai déterminé (généralement huit jours).

Selon le décret, le travailleur dispose de quinze jours au minimum - entendus comme jours calendaires, week-end et jours fériés inclus - pour reprendre son poste, après la mise en demeure. Si le salarié ne répond pas aux sollicitations de l’entreprise, l’abandon de poste est alors caractérisé. Il est toutefois nécessaire de se référer à la convention collective applicable à l’entreprise concernée car elle peut imposer des dispositions particulières.

Les conséquences de l’abandon de poste

L’absence de rémunération

Dès lors qu’un salarié quitte son poste sans aucune justification, il ne perçoit plus de rémunération. Vous ne pouvez pas non plus prétendre à toucher des indemnités compensatoires de chômage.

Salarié, présumé démissionnaire

Jusqu’à la publication du décret paru le 18 avril 2023 au Journal officiel, les salariés qui ne venaient plus travailler sans justification finissaient en général par être licenciés pour faute par leur employeur. Ils pouvaient alors percevoir des indemnités de chômage. Avec la loi de l’assurance-chômage, ce n’est plus le cas : présumé démissionnaire, le salarié qui fait un abandon de poste, ne peut plus prétendre à des indemnités.

Mais l’abandon de poste ne rime pas toujours avec rupture définitive du contrat de travail. En effet, le ministère du Travail précise sur son site qu’un employeur n’est pas obligé de mettre en demeure le salarié ayant abandonné son poste, et peut choisir, s’il le souhaite, de le garder. Dans ce cas, le contrat de travail du salarié n’est pas rompu mais seulement suspendu ; la rémunération du salarié n’est donc pas due.

Enfin, le salarié concerné peut également choisir de contester la présomption de démission auprès des prud’hommes : les juges devront alors se prononcer dans un délai « d’un mois », précise le ministère.

Le versement de dommages et intérêts

Si l’employeur est en mesure de démontrer que votre abandon de poste avait l’intention de nuire à son entreprise, que vous avez quitté votre poste pour rejoindre une entreprise concurrente ou que vous vous êtes rendu coupable d’un abus, il est alors en droit de vous demander une indemnité de brusque rupture. Des dommages et intérêts pour non-respect du délai de préavis après une démission peuvent aussi être réclamés par l’employeur. Pour cela, ce dernier doit saisir le conseil de Prud’hommes devant lequel il devra démontrer l’importance du préjudice causé par l’abandon de poste.

Une mauvaise réputation

Ici, il s’agit avant de parler du savoir-être en entreprise. Ce type de pratique peut avoir des conséquences très négatives sur l’image du professionnel que vous êtes. Or, il n’est pas rare qu’un potentiel recruteur appelle vos anciens employeurs pour en savoir plus sur vous. Si vous avez fait un abandon de poste, il est probable que le portrait que l’on dressera de vous sera peu flatteur !

Aux yeux de vos collègues, vous pouvez également passer pour quelqu’un de déloyal. Vous avez abandonné votre équipe sans prévenir, ce qui a pour conséquence d’alourdir leur charge de travail, retarder l’avancement des projets en cours et créer une situation de stress dans l’entreprise. Il y a de fortes chances pour que certains ne vous pardonnent pas ce manque de professionnalisme.

Les circonstances qui excusent l’abandon de poste

Dans certains cas, l’abandon de poste ne donne pas forcément lieu à un licenciement. « Soit c’est pour des motifs liés à la santé, explique Marie-Cécile Bayle, avocate en droit du travail, soit dans certains cas particuliers avec le droit de retrait ou le droit de grève, qui peuvent alors être excusés. »

Il n’y aura donc pas lieu de parler d’abandon de poste si vous quittez votre poste de travail sans autorisation pour l’un des motifs suivants :

  • Consultation d’un médecin en raison d’un problème de santé ;
  • Décès d’un proche ;
  • Droit de retrait, si vous estimez que la poursuite de votre travail vous met en danger.

Attention, un salarié qui ne reprend pas son travail à l’issue d’un arrêt-maladie et qui ne justifie pas son absence ne peut pas être accusé de faire un abandon de poste si l’employeur n’a pas organisé de visite de reprise.

D’autre part, l’employeur doit tenir compte des circonstances et des raisons de l’abandon de poste ainsi que de l’impact de cette absence sur l’entreprise. Il est bien plus grave d’abandonner son poste quand on est conducteur de train en plein trajet, chirurgien en salle d’opération ou instituteur en classe avec de jeunes enfants, que si on est comptable ou hôtesse de caisse.

Les alternatives à l’abandon de poste

Comme vous le voyez, l’abandon de poste n’est pas sans conséquence et vous seriez bien mal avisé d’y avoir recours en espérant être libéré plus vite de vos obligations contractuelles ! Si vous souhaitez quitter votre entreprise, quelle qu’en soit la raison, il est souvent préférable d’avoir recours à d’autres solutions que l’abandon de poste qui vous place d’office en situation de faute.

La démission

La démission reste la solution la plus simple lorsque l’on souhaite quitter son emploi. Malheureusement, comme l’abandon de poste, elle ne donne généralement aucune allocation de chômage (sauf exceptions : mariage ou pacs accompagné d’un changement de résidence, rapprochement de conjoint, enfant handicapé admis dans une structure d’accueil hors du lieu de résidence, victime de violences conjugales, échec dans la création ou la reprise d’une entreprise, victime d’un acte délictueux dans le cadre du contrat de travail…) puisque seules les personnes involontairement privées d’emploi ou ayant eu recours à une rupture conventionnelle peuvent y prétendre. Malgré tout, sachez qu’un salarié ayant démissionné pourra, quatre mois après la date de démission, demander une réexamination de son dossier par l’Instance Paritaire Régionale. À l’issue de cette réclamation, il pourra éventuellement recouvrer ses droits.

La rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle permet de mettre fin à un CDI, d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Les conditions de la rupture sont établies de façon commune, chacune des parties ayant son mot à dire. La rupture conventionnelle se différencie d’une démission qui relève de la décision du salarié ou d’un licenciement, initié par l’employeur.

L’avis d’inaptitude

Vous pouvez choisir de faire émettre un avis d’inaptitude par la médecine du travail. Cela peut nécessiter un ou deux rendez-vous, dans un délai maximum de quinze jours suivant la première absence. Après signature de cet avis, vous êtes considéré comme inapte à votre emploi, le processus menant au licenciement pour inaptitude est alors enclenché. Attention, cet avis d’inaptitude ne peut être émis par le médecin traitant du salarié, il doit absolument être délivré par un médecin du travail. En revanche, un certificat du médecin traitant peut aider le médecin du travail à prendre une décision en ce sens.

La prise d’acte

« On fait un courrier dans lequel on s’auto-licencie », précise Marie-Cécile Bayle. Cela consiste, pour le salarié, à prendre acte de la rupture de son contrat de travail pour des manquements graves qu’il reproche à son employeur, tels que :

  • Un non-paiement de salaire ;
  • Une modification du contrat de travail sans accord du salarié ;
  • Des discriminations ;
  • Un harcèlement moral ou sexuel ;
  • Des violences à l’encontre du salarié.

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié entraîne une cessation immédiate du contrat de travail, sans nécessité pour l’employé d’effectuer un préavis. Marie-Cécile note toutefois que « la prise d’acte nécessite d’aller au conseil de Prud’hommes pour la faire requalifier en licenciement et pouvoir ainsi toucher les allocations chômage ». Le tribunal doit statuer dans un délai d’un mois. S’ils valident la démarche du salarié, la prise d’acte débouche sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, elle est considérée comme une démission.

Vous l’aurez compris, l’abandon de poste est à éviter autant que possible. « Je ne conseillerais pas à un salarié d’abandonner son poste, résume Marie-Cécile Bayle. Il faut le faire en dernier recours. » En effet, cela n’offre pas d’avantages (financiers et réputationnels), surtout dans la mesure où des alternatives beaucoup plus efficaces vous dispensent d’y avoir recours.

Selon une étude publiée par la Dares en février 2023, le service de statistique du ministère du travail, les abandons de postes ne représentent que 5 % des fins de CDI, loin derrière les démissions (43 %), les ruptures conventionnelles (12 %), les fins de périodes d’essai (12 %) et les licenciements (11 %).

Photo Thomas Decamps pour WTTJ